Spontanément, quand on associe rap, Californie et fin des années 80, c'est à Ice-T et à N.W.A. qu'on pense, et donc aux premiers frémissements du rap gangsta. Dès cette époque, pourtant, à Los Angeles, était installé aussi le label de Matt Dike et de Michael Ross, Delicious Vinyl, qui se lançait sur une toute autre voie, plus consensuelle et grand public, cherchant à devenir le Def Jam de la Côte Ouest. Cet objectif, ils l'atteignirent presque avec les singles "Wild Thing" et "Funky Cold Medina" de Tone Lōc; puis avec le "Bust a Move" de Young MC, tous des cartons.
Delicious Vinyl :: 1989 :: acheter cet album
Si le premier avait appartenu à un gang angelino, le second, de son vrai nom Marvin Young, n'avait rien d'un malfrat. C'était un jeune étudiant de la classe moyenne originaire d'Angleterre, propre sur lui et bien sous tout rapport, et dont le premier album, Stone Cold Rhymin', était à son image. Ici, il n'était pas question du ghetto, mais de l'environnement scolaire ("Principal's Office") ou de l'ennui d'une vie ordinaire ("Roll with the Punches"). Les femmes n'étaient pas des objets, elles faisaient au contraire tourner les hommes en bourrique ("Bust a Move", "Stone Cold Buggin'"). Le rappeur, au lieu de dealer de la drogue, préférait lui dire "non" ("Just Say No"). Et pour le reste de ses propos, Young MC se cantonnait à un égo-trip plaisant et bon enfant, ancré dans l'époque old school.
Côté musique, dominaient des tons de circonstance, funky et entrainants, grâce au travail de production de Matt Dike, de Mario Caldato Jr. et des Dust Brothers, la dream team qui allait offrir aux Beastie Boys, à la même époque, le gargantuesque Paul's Boutique. L'album bénéficiait aussi du renfort de Flea des Red Hot Chili Peppers sur "Bust a Move", et même de Quincy Jones, carrément, à la production du très bon "Just Say No" final. Grâce à ces gens, ce disque agrémenté parfois de chants féminins extatiques se montrait accrocheur, bon esprit, joyeux, dansant, sautillant et très musical, comme le rap ne le serait plus avant longtemps.
Fort du soin apporté aux sons et du rap ludique de Young MC, Stone Cold Rhymin' s'est bien vendu, mais il est aujourd'hui quelque peu oublié. Ce disque n'était pas visionnaire, il ne montrait pas la voie, et le MC peinera à s'imposer ensuite. Il tentera donc de se réinventer rappeur "conscient" sur le disque suivant, avant d'en être réduit, dans les années 2000, à participer à des émissions de téléréalité. Son premier album demeure toutefois un parfait exemple de très bonne variété rap.