Même si le succès leur a échappé, il est difficile d'ignorer l'influence des Ultramagnetic MCs sur l'histoire du rap. Pas seulement parce que leur membre le plus fantasque, "Kool" Keith Thornton, s'est offert plus tard une seconde jeunesse avec le projet Dr. Octagon. Mais aussi parce que, dès 1988, il signe avec Critical Beatdown, un album visionnaire et un joyau du rap. A première écoute, le disque donne dans un hip-hop aux saveurs old school des plus classiques. Des rappeurs excités se livrent à leurs prouesses verbales sur un rythme rapide, avec les scratches de circonstance assurés par DJ Moe Love, et des beats simples et funky. Très funky, même sur "Travelling at the Speed of Thought" et son instru hard rock typique de l’époque. Pourtant, contrairement à nombre d'œuvres du même temps, cet album conserve aujourd’hui toute son urgence et sa fraîcheur, il ne montre quasiment aucun signe de vieillissement.
C'est qu'à l'époque, Critical Beatdown annonce les évolutions futures du hip-hop et des autres pans de la DJ culture, à commencer par l'utilisation à grande échelle du sampler, devenu un instrument à part entière. Kool Keith lui vole aujourd'hui la vedette, en termes de notoriété, mais le responsable du son exceptionnel de Critical Beatdown, c'est Ced Gee, rappeur et producteur, qui poursuit ici le travail mené dans l'ombre sur le Criminal Minded de BDP.
Tout au long de ses quinze morceaux, tous irréprochables, cet album multiplie les audaces. Les rimes complexes qui sont la marque de fabrique de Kool Keith, les paroles allumées de cet homme réputé avoir séjourné en hôpital psychiatrique, s'accompagnent d'effets musicaux osés : ruptures au beau milieu des titres, irruption soudaine d'une batterie folle, refus de la boucle habituelle. Rien d’étonnant, donc, si le Bomb Squad a admis l'influence de cet album sur la production de It Takes a Nation…, le brûlot de Public Enemy sorti la même année. On note d'ailleurs que le beat de "Ease Back" est le même que sur "Terminator X to the Edge of Panic".
Voguant difficilement de label en label, les Ultramagnetic MCs n'auront pourtant pas le même destin que Chuck D et les siens. Ile ne seront prisés que par l'underground hip-hop, et par quelques Anglais au goût sûr, les Freestylers, et Prodigy, qui recycleront le polémique "Smack my Bitch Up", issu de l'excellent "Give the Drummer Some". Leur influence ne sera à nouveau visible qu'à la fin des années 90, quand Kool Keith deviendra un parrain pour le rap indé de science-fiction, épris comme lui de rimes absconses et de vocabulaire pseudo-scientifique.
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