Lorsqu'il s'agit d'illustrer le saut quantique accompli par le rap en matière de production à l'orée des années 90, l'usage est de citer The Chronic. Le caractère révolutionnaire du premier solo de Dr. Dre n'est plus à démontrer. Cependant, l'impact du Breaking Atoms de Main Source, côté Est, a été lui aussi décisif. Ce qui fait la différence, c'est que cet album n'a jamais eu la chance de connaître le succès grand public.
Sa présence sur Wild Pitch Records, un label notoire pour n'avoir pas toujours su marketer son incroyable réservoir de talents, n'a pas aidé. Pas plus que le dépôt de bilan de cette structure en 1997, à cause duquel cet album a été épuisé pendant de longues années. Celui-ci, pourtant, est fondamental. Il marque la transition entre deux époques.
En matière de emceing, l'homme derrière Main Source, Large Professor, est un rappeur honorable. Ses textes sont malins, ils disent plus qu'ils n'en on l'air, notamment ce "Just a Friendly Game of Baseball" où, derrière son ton faussement léger et sa thématique base-ball, il traite de violences policières. Large Pro récidive dans ce registre "conscient" sur "Peace Is Not the Word to Play", quand il critique l'usage intempestif et hypocrite du mot "paix". Et il nous parle d'amour tourmenté sur "Looking At The Front Door".
Détail notable, aussi, sur le posse cut "Live at the Barbeque" apparaissent deux nouveaux rappeurs importants, Akinyele, et surtout un certain Nasir Jones. Cependant, ce n'est pas dans les raps qu'il y a révolution. Ceux-ci, pour le reste, se cantonnent à un style battle enjoué et soutenu, dans la droite ligne de ce qui s'est pratiqué les années précédentes.
Sur Breaking Atoms, la rupture est autre. Elle est dans ce travail de production d'une sophistication inédite. En empilant plusieurs couches de samples (issus en majorité de titres jazz, soul et funk, bien sûr), en tirant le meilleur profit de son SP-1200, en composant pour de bon, Large Pro tourne le dos aux beats squelettiques et étriqués du rap d'avant.
Avec lui, des cordes soyeuses de "Just Hangin' Out" à ce "Vamos a Rapiar" où s'entend la signature de Pete Rock à la coproduction, en passant par la guitare et l'orgue de "Large Professor", tout sonne plus ample, riche et subtil. Ajoutés à cela les scratches bien sentis des autres membres de Main Source, les jumeaux canadiens K-Cut et Sir Scratch, et l'on tient là l'un des disques les plus musicaux proposés alors par le rap. Et donc, nous l'avons dit, l'un des plus influents.
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