D'où ça ??? Ainsi Mad Skillz, futur Skillz, a-t-il intitulé son premier album. Il ironise alors sur son origine singulière, la Virginie, à une époque où le hip-hop se résume, pour l'essentiel, à un dialogue entre la Côte Est et la Californie. Le rappeur, qui s'est fait connaître en 1993 en terminant second d'une MC battle organisée à l'échelle nationale, marque ainsi le début d'un phénomène qui ne cessera de croître les années suivantes : la provincialisation du rap, l'émergence de nouvelles scènes originales, en marge des pôles habituels.
L'Etat où vit Mad Skillz sera bientôt l'un des viviers du genre, avec Missy Elliott, Timbaland et les Neptunes. Cet album, toutefois, n'a pas grand-chose à voir avec ces innovateurs. Le rappeur a beau "représenter" la Virginie sur "VA In The House" et sur un "Extra Abstract Skillz" où il partage la vedette avec Q-Tip et Large Professor, ou faire la courte-échelle à des rappeurs du cru en les conviant sur quelques titres (Kalonji The Immortal sur "Tongues Of The Next Shit", le même et d'autres sur le posse cut "Unseen World"), From Where??? demeure très fidèle au son rap new-yorkais.
Avec son boom bap jazzy et soigné, jouant du thème de la rue (un très bon "Street Rules"), citant Guru ("All In It") et agrémenté de quelques touches R&B ("Get Your Groove On", "Move Ya Body"), c'est un pur produit de la Côte Est que délivre Mad Skillz. Et pour cause, puisqu'il est produit par quelques personnages importants de la Grosse Pomme, Buckwild, DJ Clark Kent, les Beatnuts et le Large Pro déjà cité, auxquels s'ajoutent deux autres beatmakers, un Jay Dee originaire tout comme Mad Skillz de Detroit, et au début de la carrière que l'on sait, ainsi que le régional de l'étape, Shawn J-Period, pour certains de ses meilleurs travaux.
Avec ce casting de choix, c'est un disque très bien produit qui est offert au MC de Richmond, à ses raps clairs et incisifs, tout en freestyles, en égo-trips, en attaques contre les "wack MCs" et en style battle, excepté ce "Get Your Groove On" où l'on quitte le cypher pour entrer dans un club. Cependant, en dépit de ce titre plus grand public (ou, plus démagogique encore, de l'infâme "Move Ya Body") et malgré l'excellence générale de toutes les autres plages, le succès boudera cet album. Et si, dans les années suivantes, Mad Skillz gravitera en permanence autour de l'aristocratie rap, jouant même le ghostwriter pour P. Diddy, il ne sortira plus d'album aussi solide et remarquable que ce premier essai.
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