L'histoire de Lil Wayne est la même que celle écrite en leur temps par d'autres musiciens afro-américains, Stevie Wonder par exemple, ou bien Michael Jackson. Elle est celle de l'enfant star devenu, à l'âge adulte, un artiste charismatique et essentiel. Celui qui, adolescent prodige donnant dans un rap hardcore avec B.G. et les Hot Boys, n'était dans les années 90 qu'une attraction, devient une décennie plus tard l'une des plus grandes figures du rap, l'un de ses messies.

LIL WAYNE - Tha Carter II

Chacun de ses albums majeurs, ceux de la série Tha Carter, est plus attendu que le précédent. Ses chiffres de vente sont chaque fois plus stratosphériques. Et dans cette irrésistible ascension, le second occupe une place de choix. Mannie Fresh, le producteur maison de Cash Money, ayant quitté la partie, les invités (Kurupt, et bien sûr Baby/Birdman) limités au strict minimum, il est l'album de l'affirmation, de la confirmation et de l'émancipation. Avec ses dreadlocks, avec sa peau tatouée de partout, avec sa voix plastique et éraillée, si caractéristique, Lil Wayne a déjà bâti une identité forte. Et avec Tha Carter II, il affirme encore plus cette personnalité.

Ici, il y a de tout, et pour tous. Des morceaux flamboyants ("I’m A Dboy"), des titres accrocheurs forgés pour le triomphe et pour les clubs ("Fireman") et des divagations, sans refrain, qui démontrent l'aisance de Weezy au micro ("Tha Mobb"). Quelques accès de provincialisme (un mémorable "this is Southern face it, if we too simple then y'all don't get the basics", sur "Shooter") et une aura qui porte loin, bien au-delà du seul Dirty South. De la morgue et de la scatologie, sur un seul et même "Money On My Mind". Du reggae sur "More Fire", de la soul classieuse sur "Hustler Music", du rock sur "Best Rapper Alive" et du R&B pour cœurs d'artichaut sur "Grown Man" et le beau "Get Over".

Tout cela fait de Lil Wayne une sorte de continuateur d'Outkast en matière de rap sudiste aux idées larges. Malgré l'effort de constance marqué par l'usage à trois reprises de la même instru, ça part dans tous les sens, à tel point que cet éclectisme aurait pu aussi être une limite. De même, bien sûr, comme pour tout disque de 80 minutes, que cette longueur excessive, que ces titres en trop comme "Oh No" et quelques autres. Mais sur tout le reste, Tha Carter II donne raison à ce que le petit Dwayne Carter prétend être devenu, en plein cœur des années 2000 : the "Best Rapper Alive".

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