Malgré quelques moments forts, pas certain que cet album trop long signé D-Sisive ait été le meilleur de l'année 2009 dans la catégorie du hip-hop canadien, comme certains ont pu le prétendre. Mais à coup sûr, le rappeur de Toronto se distingue dans son registre, celui du hip-hop intimiste, noir, dépressif, suicidaire et porté sur le pathos, comme annoncé par cette étrange pochette tristounette en noir et blanc.
He's so-so and his voice annoys me
High-pitch pierce in my headphones foam
String section, kill the whining
Air violins played right behind him
En voilà au moins un qui voit clair sur ses limites. En pointant d’emblée tout ce qui gêne sur cet album célébré, à droite et à gauche, comme la meilleure sortie rap canadienne en 2009, Derek Christoff, alias D-Sisive, désamorce à l’avance toute critique. Maintenant que nous sommes tous d’accord sur ce qui plombe ce disque, son ambiance morose, son phrasé monotone, son introspection trop chargée de désespoir (une détresse fondée, celui qui fut un temps un espoir du rap canadien a traversé une longue période de dépression après avoir perdu ses deux parents…), il ne nous reste plus qu'à constater ce qui, malgré tout, fonctionne ici.
Laissons les enfants mourir, donc… En voilà un titre, et un bon avant-goût de la couleur sombre du disque, de ce noir quasi uniforme. Voici un bon prémice de ce ton personnel et confessionnel, à peine troublé par la présence d’autres Canadiens notoires (Buck 65, Classified, etc.). Le rappeur, au bout du rouleau, semble vouloir échapper à notre monde.
Dans ses paroles, comme avec cette pochette qui le montre en oiseau de mauvais augure, trop grand devant son piano jouet, le regard rivé sur une photo échappée d’un passé heureux, il exprime une volonté de retour vers l’enfance, vers ce temps d’avant le drame, vers ce monde de l’imaginaire célébré sur le très bon "Switzerland". L’insouciance n'est plus, la drogue et le suicide sont ses dernières perspectives ("The Introduction"). D-Sisive, cependant, s'emploie à revivre ses jeunes années, il revient sur son passé ("Mr. Daydream"), sur ses premiers pas dans le rap ("Nobody With A Notepad", "Back Then") ou sur un père disparu et magnifié ("Father").
D-Sisive est un bon conteur, comme le montre le dialogue entre un voleur et sa victime sur le mélodique "Glorious". Il sait aussi être mordant, quand il s’en prend aux mauvais MCs sur "Let The Children Die" et "I See", des MCs qu’il invite à rester eux-mêmes sur un "Song To Sing" plus pêchu.
Le Canadien, en somme, respecte malgré tout les routines du rap, il n’oublie pas le principe du "keep it real". Mais un "keep it real" réactualisé, qui se traduit pour de bon par la nécessité d’être authentique, et de ne pas se prétendre ghetto quand on ne l’est pas. Et ce principe, finalement, quelles que soient les longueurs de cet album, ses samples larmoyants, son rap morne, son boom bap qui marque pas toujours par la subtilité, D-Sisive se l’applique avec succès.
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