La scène de Virginia Beach, celle à qui l'on doit Timbaland, Missy Elliott et les Neptunes, a, en plus de révolutionner le genre, défié les géographes du hip-hop. A-t-elle été une extension du rap de la Côte Est, ou a-t-elle appartenu plutôt au turbulent Dirty South ? La question reste posée. Cependant Hell Hath No Fury, le second album de Clipse, a démontré qu'elle pouvait aussi hériter du meilleur des deux.
Cet opus a tardé à voir le jour. Quatre années durant, les frères Gene "Malice" et Terrence "Pusha T" et Thornton, ont galéré. Ils se sont frités avec leur nouveau label, Jive, n'entretenant plus l'intérêt des fans qu'avec les mixtapes de la série We Got It 4 Cheap, avant de parvenir à donner suite au très coté Lord Willin', produit en 2002 par des Neptunes au sommet de leur forme et porté par le single "Grindin'".
L’attente, toutefois, aura valu la peine, ce second acte se montrant au bout du compte supérieur au précédent. Plus sombre, plus court, comptant peu d'invités, cet autre album donne dans un rap de rue à la manière new-yorkaise, mais avec un supplément d'audace et d'originalité très sudistes.
Côtés paroles, le sujet est la drogue, sa consommation, son deal, son argent et les difficultés induites. C'est le portrait du criminel endurci, mais avec un brin d'introspection, d'autocritique et d'ironie, comme le laisse entendre cette pochette où Pusha T et Malice, couronnes de fête des rois sur leurs têtes, posent avec une gazinière et devant un mur de dollars, tournant en dérision l’univers du deal et des stupéfiants.
Hell Hath No Fury parle de gangsters mais laisse paraître des failles, comme avec ce "Nightmares" final musicalement à contre-courant des autres, plus cool, chanté en partie par Bilal, habité par un orgue chaleureux, et qui cite le modèle du genre, le "Mind Playing Tricks on Me" des Geto Boys.
Côté beats, la formule est plus sobre qu'autrefois, mais avec des Neptunes, représentés par le seul Pharrell, toujours inventifs. Hell Hath No Fury nous offre du bon vieux boom bap excessivement austère (visez donc "Ride Around Shining"), aux confins de l'ennui (un "Ain’t Cha" linéaire), mais avec les sons inusuels d'un accordéon sur "Momma I'm Sorry", de steel drums sur "Wamp Wamp", d'une guitare sur "Dirty Money", avec aussi des bruits synthétiques et des nappes arides sur "Mr. Me Too", "Hello New World", "Chinese New Year", l'halluciné "Keys Open Doors" et l'efficace "Trill". Des sons plus coutumiers chez les Neptunes, qui sortent alors, avec les deux frères, leur grand album tardif.
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