Dans les années 90, en matière de hip-hop hexagonal, c'est IAM qui a décroché la timbale. Incarnant un temps, avec MC Solaar et NTM, la sainte trinité du rap d'ici, ils sont restés plus durablement crédibles que le premier, et ont été infiniment plus visibles et appréciés à l'international que les seconds. Connectés tôt à la scène new-yorkaise, les Marseillais avaient su concilier l'esprit fantaisiste des Natives Tongues, la posture engagée du rap conscient, les délires pseudo-mystiques du Wu-Tang Clan, la gouaille de leur ville d'origine, et assembler ces influences en un tout qui ferait mouche auprès du grand public. Au point, avec l'album L'école du micro d'argent, d'écouler en 1997 le chiffre astronomique d'un million d'unités.
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Ce dernier était un bon disque, à coup sûr, d'une qualité rarement atteinte en rap français, quoi qu'en disent les détracteurs d'IAM, tous désireux de tuer le père. Cependant, deux années plus tôt, Akhenaton, alias Chill, alias Philippe Fragione, figure de proue du groupe, avait déjà sorti sa grande œuvre. Jouant la carte de l'intimité, le Marseillais dressait sur Métèque & mat son autoportrait ("Je suis peut-être…"). Il y retraçait son parcours ("Je combats avec mes démons"). Il y partageait sa vision de l'homme (un très beau "Prométhée"). Il y évoquait ses racines italiennes ("La cosca"), sa nostalgie de l'enfance ("Au fin fond d'une contrée…"), son amour du hip-hop ("Face B"), sa fascination pour l'Amérique ("L'Americano") et sa philosophie personnelle ("Dirigé vers l'est"), sur des beats variés, tous produits par ses soins, et qui savaient user du sample adéquat, chants traditionnels italiens, bruits de jeu vidéo, ritournelle orientale ou boucle de jazz.
Parfois, quand il parlait des malheurs du monde ("Je ne suis pas à plaindre"), de l'immigration ("Métèque et mat"), de la délinquance et du racisme ("Un brin de haine"), on craignait l'excès de sérieux, le trop-plein de gravité, un travers dans lequel l'auteur est parfois tombé sur les plateaux de télévision. Mais l'humour caractéristique d'IAM n'était pas absent de Métèque et mat, grâce à cet "Assédic 3 heures du matin" où le rappeur relatait ses déboires avec la bureaucratie française. Et Akhenaton n'oubliait pas de signer un tube, avec cette deuxième version de "Bad Boys de Marseille" où il était accompagné de Shurik'N et de la Fonky Family. Ces titres plus légers contribuaient à équilibrer ce qui est demeuré longtemps, des années après, le meilleur album solo livré par un rappeur français.
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