Pour faire un bon disque, il faut parfois être singulier. Les Violent Femmes en sont la preuve avec leur premier album, reconnu à peu près partout comme l'un des meilleurs des années 80, et culte jusque dans sa pochette. Leur musique brute et frénétique descend du punk et de la new wave, mais avec ses sonorités acoustiques issues du vieux folk, elle concilie avec succès l'inconciliable, comme le Gun Club a su le faire avec le blues autour des mêmes années.
Comme souvent quand un groupe débarque avec une formule inédite et invraisemblable, ces Violent Femmes qui ne sont pas nécessairement violents, et nullement des femmes ("femmes" est en fait un mot d'argot local signifiant quelque chose comme "mauviettes") sortent de nulle part, en l'occurence de Milwaukee, dans le Wisconsin. Composé du chanteur et guitariste Gordon Gano, du bassiste Brian Ritchie et du percussioniste Victor DeLorenzo, le trio a été repéré par James Honeyman-Scott des Pretenders, et signé sur le label punk Slash. Le groupe de Chrissie Hynde le parrainant, il va connaître toutefois une exposition plutôt inespérée.
Leur formule de trublions a quelque chose de particulièrement extatique sur cet album sorti en 1982, puis dans une version enrichie des deux derniers titres en 1983, et qui, au fil des années, va devenir progressivement disque de platine. Il aura une longue postérité, anticipant ce rock alternatif lo-fi issu du punk et du hardcore, qui dans les années 90 n'hésitera pas à renouer avec les vieilles lunes folk ou country. Pour la petite histoire, il inspirera aussi le groupe français Louise Attaque (Gordon Gano produira d'ailleurs leurs premiers albums). Les sons, cependant, ne sont pas la seule raison du succès critique et long terme du premier Violent Femmes.
L'autre atout du groupe, c'est qu’il associe à sa musique jubilatoire des paroles qui convoquent l'éternel adolescent, c'est qu'il capitalise sur l'esprit nerd inauguré quelques années plus tôt par Jonathan Richman et ses Modern Lovers. Leurs paroles ne sont faites que de cela : désirs de grandir et de prendre la voiture à papa, confessions naïves et maladroites ("Gimme the Car"), éveil à la sexualité, travail des hormones ("Add It Up"), morgue, troubles, émois et inconforts de l'âge ingrat ("Kiss Off"), enthousiasmes amoureux ("Prove my Love"), et passions de teenagers, comme avec ce "Gone Daddy Gone" repris plus tard par Gnarls Barkley (pour la petite histoire, les Violent Femmes leur rendront la pareille avec leur version de l'énorme tube "Crazy").
Tout cela épouse à merveille l'esprit amateur et la musique énergique et quasiment artisanale que le trio propose avec guitare acoustique, contrebasse et percussions traditionnelles, et même un brin de violon sur l'anormalement doux "Good Feeling". Tout cela concourt à faire de ce disque l’évocation puissante et définitive des joies et des tourments de l'adolescence.
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