Dans la trop grande catégorie des albums maudits, Pacific Street a une place de choix. Tout a pourtant bien commencé pour les Pale Fountains. Apparu au début de la décennie 80, le premier groupe de Michael Head s'inscrit dans ce mouvement qui s'émancipe alors de la noirceur du punk et du post-punk anglais pour renouer avec des compositions chatoyantes plus en prise avec les années 60, une tendance qui commence avec Orange Juice et qui culminera, dans le même temps que les deux seuls albums des Pale Fountains, avec les Smiths.
En phase avec les nouvelles aspirations musicales de leur temps, ils connaissent un début de succès avec leur premier single, "(There's Always) Something on my Mind", qui leur vaut illico une signature chez Virgin. Malheureusement, sorti après un an d'effort, leur premier album ne rencontre pas le succès escompté, pas plus que le suivant, et le groupe se perd bien vite dans les disputes et la drogue, avant que Head n'active un nouveau groupe avec son frère, Shack.
Les Pale Fountains, à vrai dire, n'ont pas fait les choses à moitié. Ce n'est pas qu'un vague retour vers la pop psychédélique des années 60 que nous propose alors ce nouveau grand groupe sorti de Liverpool. Non, c'est beaucoup plus radical que cela, avec cette trompette chatoyante qui les place dans la filiation de Love. Ca va même plus loin encore, avec une pop orchestrée qui lorgne franchement du côté de Burt Bacharach, avec les chœurs soyeux ("Something on my Mind"), et parfois des violons, des flûtes ("Southbound Excursion"), avec de petits accents bossa nova ("Abergele Next Time") ou jazz (l'intro de "Beyond Friday's Field"), voire de musique des îles (les steel drums de "Crazier"), et puis aussi quelques synthés, histoire de rappeler à quelle époque cela a été enregistré ("Unless"), et des saveurs limite musique d'ascenseur (les deux instrumentaux joliment mélancoliques "Faithful Pillow"). Il n'y a guère que le morceau "Natural" pour s'en tenir à peu près aux fondamentaux du rock'n'roll.
Tout cela est peut-être too much. Toutefois, ayant bénéficié dès le début d'une certaine publicité, puis d'une réédition CD précoce, Virgin oblige, Pacific Street conserve des fans qui entretiennent la flamme. Pour le confirmer, il n'y a qu'à constater le nombre de fois où cet album est cité comme lost classic sur le Web, presque plus souvent que des disques plus reconnus, et noter la petite émulsion provoquée par la brève reformation du groupe en 2008.
C'est que les mélodies du classieux Pacific Street ont bien passé l'épreuve du temps. "Reach", "Something on My Mind", "Abergele Next Time" sont toujours aussi bons, extatiques même. Et ce qui aurait pu paraître un pur produit des années 80 (voyez les coupes de cheveux et les fringues des vidéos), un disque anachronique, sonne aujourd'hui encore parfaitement actuel. Et pour ne rien gâcher, la réédition a bien fait les choses en y ajoutant quelques titres dans l'esprit de l'album, dont l'enjoué "Palm of my Hand", ainsi que cet admirable et éclatant "Thank You" final tout en cordes et hautbois, single dont on s'étonne encore qu'il n'ait pas accompli sa mission de l'époque : imposer complètement ce groupe qui aurait mérité d'être énorme.
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