Le grand truc de Sarah Records, cela a été les singles. Le label culte de la twee pop a tardé à se mettre au format LP, et cela se ressent sur le premier mini-album de son groupe phare, les Field Mice, qui ne sont encore qu'un duo à cette époque. La formule, en effet, n'est pas tout à fait maîtrisée. Snowball a beau livrer la quintessence de ce style à rebours complet de la pose rock'n'roll, de cette pop fragile chantée par d'éternels lycéens sensibles qui renouent avec les guitares délicates des Byrds (cf. les premières notes de "Everything about You"), de ces chansons d'un sentimentalisme simple mais éloquent, il a beau diversifier la formule en flirtant avec les guitares sales et envahissantes de My Bloody Valentine et du shoegaze ("White"), avec la dance par le biais de boites à rythme et de synthés, ou avec la dream pop, trois genres en vue dans l'Angleterre de la fin des années 80, tous les titres n'ont pas le même impact.
Si "You're Kidding, Aren't You" est enlevé comme il faut, si ce "This Love Is not Wrong" aux faux-airs de New Order approche de la perfection pop, si "The End of the Affair" est l'une des plus simples et des plus belles chansons de rupture jamais écrites et qu'elle est admirablement accompagnée par un hautbois et un violoncelle (synthétiques, sans doute, mais qu'importe), si les nappes du "Letting Go" final sont splendides, avant-goût d'un deuxième album plus électronique (Skywriting, en 1990), quelques titres insignifiants apportent malheureusement des arguments aux détracteurs des groupes Sarah Records, comme ce "Let's Kiss and Make Up" moins marquant que la future reprise plus ouvertement dance de Saint Etienne.
Mais par chance, vers le milieu des années 2000, le label LTM Recordings a livré un impeccable travail de réédition, sur cet album comme sur les deux suivants, et pas seulement en remplaçant la pochette toute mauve du départ par une autre, plus sophistiquée. En ajoutant à Snowball - finalement qu'une sortie parmi d'autres dans la discographie des Field Mice - les singles qui ont construit la réputation du groupe, qui en ont fait les porte-étendards de leur label, et de la twee pop en général, ils ont transformé l'album en un véritable indispensable.
Il y a tout d'abord ce "Sensitive" à l'origine du succès critique du groupe, le manifeste du groupe, avec ce titre en forme de slogan, ces guitares soutenues et cette basse bondissante, qui se termine en un long instrumental extatique, et cette face B aussi splendide, un "When Morning Comes To Town" mélancolique à souhait avec sa guitare carillonnante et sa nappe de synthé. Les quatre titres de Emma's House, la toute première sortie des Field Mice en 1988, ne sont pas du même niveau que ce Sensitive parfait en tout point. Mais le morceau-titre, synthèse des deux excellents titres mentionnés avant, est lui aussi un indispensable. Et si le troisième single, ce "I Can See Myself Alone Forever" à l'instru très The Cure, n'est pas du niveau des deux autres, il reste un bon cru. Ce sont ces singles qui ont bâti la réputation du groupe, son statut de tête de proue de la twee pop. Et ce sont eux encore, ajoutés à cette version de Snowball, qui en font le must-have qu'il n'était pas encore tout à fait, à l'origine.