Quand on est jeune, on est con, et votre serviteur n'a pas fait exception. Quand il était jeune, donc, il excommuniait d'entrée tout ce qui ressemblait de près ou de loin à un best-of. Les best-of, en effet, c'est souvent moche. Ca empile des titres qui n'ont pas à se retrouver ensemble. Ca manque de cohérence. Ca privilégie souvent les tubes, au détriment des petites perles discrètes qu'un artiste peut laisser au hasard de ses albums. Ca a un côté fast food.
Oui, certes, mais que faire quand on est face à un groupe qui n'a pas sorti d'album dans la première décennie de son existence ? Que faire quand ce ne sont pas dans ses albums qu'il faut chercher ses perles, mais dans des EPs sortis en édition limitée il y a des lustres, et presque épuisés depuis ? Quelle alternative quand il s'agit d'un groupe influent, mais qui est resté confidentiel sur une bonne partie de sa carrière ? Bref, que faire, sinon un best-of, ou une anthologie (tout de suite, ça sonne plus classe), quand on parle d'un groupe comme The Clean.
Rappel des faits. Jusqu'à la fin de la décennie 70 en Nouvelle-Zélande, il n'y avait rien. Les seuls activistes rock étaient des groupes de reprises. Et puis, dans la foulée du punk, de la ville de Dunedin, sont arrivés les frères Kilgour, Hamish et David. Ils ont fondé The Clean, dont les membres ont essaimé dans d'autres groupes (notamment Robert Scott, qui fondera les excellents The Bats). Avec eux, des mains d’un fan, Roger Shepherd, est né l'essentiel label Flying Nun. Puis s’est développée l'une des scènes musicales les plus excitantes des années 80. Et la Nouvelle-Zélande, en plus d'être le pays des kiwis (le fruit ou l'oiseau, qu'importe), des moutons et des gros rugbymen en noir, est devenu aussi celui de la meilleure pop du monde.
La filiation de The Clean est claire. Ils se situent au bout de la chaine qui a conduit du Velvet au punk. On y entend le bruit blanc des premiers (écoutez donc le live "Quickstep") et la fulgurance du second. Mais le génie des Kilgour et consorts, c'est de considérer que cette musique n'est pas obligée de broyer du noir, qu'elle peut être douce ou sautillante. The Clean pose les fondations de la pop néo-zélandaise, mais il annonce aussi des groupes postérieurs de la vague indé comme Yo La Tengo, avec son mélange de mélodies classes et de chevauchées guitaristiques, telles les admirables "Point that Thing Somewhere Else" et "At the Bottom".
The Clean est un groupe capital, voilà pourquoi cette Anthology a lieu d'être. Et pour ne rien gâcher, elle est superbement réussie. Ce best-of réunit pour de bon le meilleur des Néo-Zélandais. Les EPs Boodle Boodle Boodle et Great Sounds Great étaient juste parfaits ? Et bien justement, ils sont présents ici dans leur intégralité. Le groupe avait dans ses cartons des live mémorables ? Ils sont là aussi. Il y a d'excellents titres sur leurs albums des années 90 ? Les voici, filtrés avec goût, au point que le second CD, le plus récent, est presque aussi bon que le premier, avec des perles comme "Secret Place" et cet "Outside the Cage" à nouveau velvetien.
Anthology n’a pas l’aspect éclectique et mal assemblé des compilations. Retraçant l'évolution progressive du groupe d'un punk pop lo-fi et irrésistible qui lorgnait déjà vers les années 60 (cet orgue sautillant), vers plus de douceur, des accents folk et un son mieux produit, puis vers quelques curiosités légères ("Psychedelic Ranger", la farce "Ludwig", ce très beau "Franz Kafka at the Zoo" tout en murmures…) ou de subtils emprunts world et folklorique (notamment ce très beau "Balkans"), ce disque s’écoute toutefois comme un véritable album. Ce best-of-là mérite pour une fois son nom avec ses deux heures de musique bien remplies où rien n’est à jeter, il est à même de satisfaire pour longtemps toutes sortes de cons, jeunes ou vieux.
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