Sorti en cette année 1994 faste où, par ailleurs, Doug Martsch s’embarque avec Calvin Johnson pour l’aventure Halo Benders, There's Nothing Wrong With Love n’est pas tout à fait le premier Built To Spill. Il n’est pas non plus leur meilleur album, pas encore. Mais il est leur premier tour de force, l'œuvre qui plante le décor, celle où, encore à tâtons, ils approchent de la formule qui aboutira à leurs plus grands disques, celle qui en fera des postulants sérieux au titre de meilleur groupe rock américain des années 90, carrément.
Sur cet album, est déjà bien en place ce goût pour les structures accidentées, les mélodies instables et les titres à tiroir qui leur vaudront d’être comparés à Pavement. Mais (et c’est sans doute pour cela qu’ils tarderont à être pleinement reconnus sur notre rive de l’Atlantique), en version moins arty que la bande à Malkmus, moins cérébrale, plus viscérale.
Plus profondément américaine, quoi.
Il y a ces titres tout en rebondissements, par exemple un "Distopian Dream Girl" justement très Pavement, et un "Car" au violoncelle sorti de nulle part. Mais pas que. Il y a aussi des ritournelles mémorables comme "Big Dipper", et ce très court "Twin Falls" où Martsch évoque des souvenirs de la ville du même nom, ce trou de l’Idaho où il a grandi.
Enfin, dispersées ici et là, se trouvent quelques longues plages comme "Some", "Cleo" et l’admirable "Stab", des morceaux classic rock tout biscornus, où les guitares sales de l’après-grunge commencent à se vouloir épiques. Ces passages annoncent les prochains sommets, ils rendent plus visibles encore la guitare torturée à la Neil Young de Doug Martsch, ils le font entrer dans la ligue du Loner, celle des guitar heroes pour ceux qui n’aiment pas les guitar heroes.
Par dérision, ou par pudeur, There's Nothing Wrong With Love ne se termine pourtant pas par l'un de ces morceaux grandioses, mais par une parodie, par les extraits d’un prochain album fictif où Built To Spill, une fois signés sur une major, donnerait dans un post-hardcore démagogue et dans un stadium rock macho. Ce finale est drôle, mais la vraie suite pour Martsch & co, même s'ils seront bel et bien signés chez une grosse maison de disques, sera toute différente.
La véritable suite, ce sera une influence décisive sur Modest Mouse, Death Cab for Cutie et Rogue Wave, pour ne citer que les héritiers les plus évidents. La prochaine étape, ce sera aussi et avant tout les merveilleux Perfect From Now On et Keep It Like a Secret, les deux chefs-d’œuvre du groupe, sommets d’une carrière qui comptera très peu de déchets.
Sympa de lire cette chronique alors que j'ai découvert complétement ce groupe il y a quelques mois quelque part sur ce site ou son nom était évoqué
Merci donc, parce qu'aujourd'hui j'adore
Il me faudrait plus de "découvertes" comme ça