Compte-tenu des états de service de ses auteurs et des succès critiques rencontrés par leurs albums passés, de I Wish my Brother George... (1991) à Fear Itself (1994) en passant par 93 ‘til Infinity (1993), les grands médias façon Rolling Stone ou The Source n’avaient pu faire autrement que de chroniquer ce disque sorti en commun par les Souls of Mischief, Del tha Funky Homosapien, Casual, Domino et The Prose. Le retour de ces journaux, cependant, avaient été en plutôt demi-teinte. Et en France, l’album n’avait pas tardé à atterrir dans les bacs à solde, à prix cassé, parmi des centaines d’autres disques, mauvais ou oubliés.
C’est que, en ce début 1998, les meilleures années des Hieroglyphics semblaient être derrière eux. Tous avaient été d'ailleurs remerciés par leurs maisons de disque. Et c'est pour cette raison précisément, qu'ils avaient décidé de regrouper leurs forces, de fonder leur propre label, le Hiero Imperium, et d'y sortir ce Third Eye Vision, qui fut un épisode important dans l’essor du hip-hop indépendant à la fin des années 90. Cet album, en effet, certains le considèrent aujourd'hui comme un lost classic, et comme le dernier grand disque des Hieroglyphics.
En temps normal, super-groupe rime avec déception, surtout si celui-ci s’épanche sur une durée déraisonnable de 70 minutes. Mais ici, au contraire, les neuf protagonistes de l’album tiraient profit de leur nombre. Ils variaient les plaisirs, alternant titres solos (lesquels portaient tout simplement le nom de leurs auteurs respectifs) et exercices collectifs de tous types : chœurs, dialogues, battles... Et ils livraient une synthèse parfaite de ce qu’ils avaient su produire chacun de leur côté par le passé, soit un hip-hop West Coast alternatif, plus proche du jazz rap pratiqué sur la Côte Est que du gangsta, mais aussi plus ludique, plus souple, plus funky, plus créatif qu’un boom bap martial et linéaire, moins porté sur le sermon.
Third Eye Vision est représentatif des premières années du rap indé. Les sons y étaient modernes, la production avait retenu les leçons des années 90, et les Hiero se posaient en rappeurs instruits, recourant à un vocabulaire large, convoquant les figures d’Imothep et de Socrate, et nous parlant de l’Espagne maure. Mais avec un bon 99% d’ego-trip et de style battle, quelques histoires de filles, et en n’abordant la grande question, celle de la condition noire, que de façon indirecte et imagée ("One Life One Love"), ils se montraient fidèles aux fondamentaux du hip-hop, aux bonnes vibrations de la old school. Ce désir de retour aux sources était même patent quand un grand Del lançait les vers suivants sur l’excellent "At the Helm" :
Rap ain’t about bustin caps and fuckin bitches
It’s about fluency with rhymin ingenuity
Sur ce disque, nous en étions encore à un rap indépendant d’obédience traditionnaliste, avec ses diatribes anti wack MCs. Mais avec les Hieroglyphics, ce hip-hop là sentait encore le frais, grâce à des morceaux aussi mémorables que "After Dark", "Oakland Blackouts", et au finale suave de "Miles To The Sun", des titres qui légitimaient tous le statut de trésor caché de Third Eye Vision.
je l'avais complètement zappé celui-là...quelle erreur! merci de combler mes lacunes