Soyons honnête. Dälek a beau être qualifié de groupe avant-gardiste et expérimental, porter haut le flambeau d’un "avant-hop" plutôt éteint ces derniers temps, nous proposer un rappeur qui sait stopper ses bavardages pour laisser parfois s'exprimer la musique, jouer des dissonances, flatter les petits Européens middle class que nous sommes en métissant son rap et en l’ouvrant sur d’autres horizons (cf. la collaboration avec Faust), il n’a jamais vraiment donné dans la subtilité. Car au fond, qu’entend-on sur chaque album, sinon de légères variations d’une seule et même formule ?
Dälek, c’est à chaque fois un regard sombre sur la marche du monde et des plaintes convenues sur l’état déplorable du hip-hop ("We Lost Sight"). C’est aussi et toujours ce mur du son, cette musique implacable, lourde et poussée à plein volume, dont Black Sabbath a autrefois fourni l’archétype, mais convertie au rap et enrichie par des réminiscences de My Bloody Valentine, du Bomb Squad et des versants les plus bruyants des musiques électroniques, voire d’Isis, ces collègues de label experts eux aussi en agression de tympans.
A l’image des paroles qui ouvrent le disque, un sermon du révérend Jeremiah Wright s’attaquant sans gants à une Amérique blanche agressive et impérialiste ("Blessed Are They Who Bashed Your Children’s Heads Against A Rock"), il y a quelque chose de simpliste et d'attendu dans la pose de Dälek. Leur musique, cependant, est toujours éloquente.
Ce terrorisme sonore semble facile à mettre en œuvre, mais comme tous ces autres genres rouleau-compresseur et adeptes du terrorisme sonore, death metal, punk hardcore, gabber ou indus, il est difficile de ne pas être submergé, il serait mensonger de se déclarer "pas impressionné" par l’énergie considérable déployée sur des titres tels que "Armed With Krylon" et "Gutter Tactics", ou par le carillonnant puis pesant "Street Diction", l'apothéose de ce nouvel album.
Et puis aussi, même si les ingrédients de base sont demeurés les mêmes, la recette a un peu évolué. Elle s’est diversifiée depuis le compact et monolithique Absence, ce disque mastoc qui nous livrait la quintessence du style Dälek. Ce dernier album prolonge plutôt l’expérience menée avec son prédécesseur, ce remarquable Abandoned Language qui sonnait plus ouvert, varié et respirable, toutes proportions gardées.
Avec Gutter Tactics, le mastodonte Dälek se dégrossit d'un poil, quand il ralentit peu à peu le tempo de "Who Medgar Evers Was…", quand il se contente d’un rythme lent parsemé de multiples détails ("Atypical Stereotype"), ou quand il retient avec adresse de très fortes envies de crescendo ("2012").
Ce Gutter Tactics demeure toutefois deux ou trois crans plus bas que les grands albums qui l’ont précédé. Car une formule, aussi marquante et efficace soit-elle, finit toujours, fatalement, par lasser, par s’émousser et paraître moins neuve.
100% d'accord avec cette chronique.
d'accord avec ton analyse
comme je disais sur le board, street diction et no question c'est du très bon Dalëk, le reste, c'est du Dalëk. J'aime bien mais absence, abandonned language et les unreleased restent au dessus chez moi