Voici donc un nouvel album d’Awol One. Sa livraison annuelle, en quelque sorte. Et pour nous rien de moins que le dixième article consacré à l’un de ses disques. Et comme cette nouvelle collaboration avec Factor n’est, comme d’habitude, ni un mauvais disque, ni le chef d’œuvre maintes fois espéré, les mots commencent à manquer pour parler du bonhomme, à moins de répéter encore ce qui a toujours été dit sur son flow et son numéro de rappeur à la voix rauque et imbibée d'alcool.
Fake Four Inc. :: 2009 :: acheter cet album
Cette fois, cependant, les gens chargés de la promotion ont bien fait leur travail. Les frères Ramos, en effet, se démènent depuis qu’ils ont lancé leur propre label, Fake Four, l’un des ultimes refuges pour ce qu’il reste de la scène rap indé. Et cela paye, puisque Owl Hours semble être l’album d’Awol One le plus remarqué en dehors de la presse spécialisée depuis l’époque faste des Souldoubt, des Slanguage, et de son association avec Daddy Kev. Ce qui ne va pas sans quelques malentendus, comme le montre cette remarque chipée sur le site adequacy.net :
He seems to be caught in an epic debate concerning whether he should rap, sing, or just talk. Opting for the easiest choice, he’s decided to pick some awkward combination of the three, the resulting product being a gargled, raspy croak that sounds neither definite nor confident.
Il semble être pris dans un débat épique, et de ne pas savoir s'il doit rapper, chanter, ou simplement parler. Optant pour le choix le plus simple, il a décidé de partir dans une combinaison maladroite des trois, dont les résultats sont des gargarismes et des croassements rauques qui ne sonnent ni précis, ni assurés.
Cette remarque est intéressante, parce qu’elle est complètement juste, mais aussi totalement à côté de la plaque. Ce que ce journaliste reproche à Awol One, ces chantés-rappés et ces marmonnements indécis, c’est précisément ce qui fait sa saveur, c’est ce renversement du rap que, mieux que tout autre, il a su négocier. C’est aussi ce basculement des rodomontades qui sont au cœur même du hip-hop, vers l’auto-flagellation. Ces allers et retours entre les chants, les raps et ces murmures rugueux qui lui ont valu bien des comparaisons avec Tom Waits servent précisément à souligner la dualité de son personnage de perdant magnifique.
Cette dualité, cette alliance des contraires, est soulignée encore par la façon dont se présente ce nouveau disque. Officiellement, Owl Hours serait le party album d’Awol One, grâce à ses quelques titres enjoués, grâce au renfort de nombreux invités parmi lesquels les Alkaholiks, Myka 9, B-Real, Xzibit (par ailleurs producteur exécutif de cette nouvelle sortie) et des figures de proue du rap indé comme Aesop Rock, Sunspot Jonz des Living Legends, et Ceschi Ramos bien sûr. Mais à bien l’écouter, Owl Hours se présente aussi comme le disque de la sagesse, un disque où Awol One creuse les mauvais côtés de la fête autant qu’il la célèbre, où il questionne son penchant pour l’alcool ("Celebrate", "Glamorous Drunk", "Waste the Wine"), où il envisage le suicide ("Brains Out") avant de prendre de bonnes résolutions et de se réfugier dans le travail ("Sunset Sandwich").
A peu de chose près, et avec cette durée idéalement courte de 35 minutes, Owl Hours aurait pu être l’album le plus construit d’Awol One. D’autant plus qu'à ce jour, l’alliance avec Factor lui a plutôt réussi, leur précédent disque, Only Death Can Kill You, ayant sans doute été son plus accompli, et leur dernier titre commun, "More Rude than Handsome" (sur le Chandelier de Factor), un très bon cru.
Malgré des beats au spectre large, de virées électroniques à un folk hop de bon goût, en passant par le funky "Destination", la formule fonctionne moins bien qu’avec le disque précédent. Si quelques morceaux font mouche, par exemple quand se présentent d’autres rappeurs ("Stand Up", "Back Then", "Darkeness" et, dans une moindre mesure, "Brains Out"), les sons proposés par Factor tombent à plat sur "Glamourous Drunk" et "Official". Et "Celebrate", censé être le morceau phare de l’album, n’est pas aussi efficace qu’il le devrait. Ces quelques ratés font que le rappeur passera sans doute à côté de ce nouveau rendez-vous avec une presse plus large et moins spécialisée. Cela est bien dommage, mais il semble bien que nous devions garder Awolrus un peu plus longtemps rien que pour nous.
Un album que j'ai écouté 5-6 fois déjà, et sûrement le Awol que je préfère cette année (l'album avec Mascaria est pas mal du tout cela dit). Ca sonne un peu "entertainment rap" par moment, j'aime bien le titre avec Xzibit et "Stand Up" est pour moi l'un des titres de l'année!