Cela devait arriver, c'était d'ailleurs l'une des composantes et des motivations principales derrière la vogue du rap indépendant de l'époque : à la fin des années 90, le hip-hop a connu sa phase progressive. Et cette phase, cette envie d'anticiper le futur, d'aller au-delà du rap ou, selon certains, de renouer avec les expérimentations de ses débuts, peu l'ont aussi bien représentée que Mike Ladd.
Scratchie Records / Ozone :: 1999 :: acheter ce disque
Jugez plutôt, un universitaire originaire de la très intellectuelle Boston, qui donne dans le spoken word et la rap poetry, déclamant ses visions de fin du monde et de Babylone post-moderne sur un hip-hop mutant, alangui, complexifié, halluciné, rempli de noirceur électronique, serti de sons futuristes et transgenres, voire d'escapades world music chez Bollywood ou ailleurs, le tout souvent compilé sur des albums concept (souvenez-vous des Infesticons et des Majesticons).
Alors forcément, tout cela a vieilli. Y compris Welcome to the Afterfuture, cet album de 1999 considéré, de l'avis général, comme le plus abouti du poète et rappeur. Ecouter aujourd'hui d'une traite ces longues tirades sur un futur qui n'a pas tenu ses promesses ("où est ma voiture volante", Mike Ladd déclame-t-il sur "5000 Miles West of the Future") et ces sons arides dont toute funkiness a été annihilée, ou maltraitée, ou dépassée, peut s'avérer éprouvant pour certains.
Cependant, quel disque symbolique de son époque ne vieillit-il pas après une décennie, avant qu'un nouveau public ne le redécouvre plus tard avec excitation ? Certes, Welcome to the Afterfuture souffre de passages indigestes (cette basse qui traine tout au long de "Bladerunners", si lassante que la présence de Company Flow n'y change rien), Ladd y dévoile trop tôt ses plus belles cartes (les meilleurs titres ne sont pas loin d'être les trois premiers), les expériences qu'il tente sont parfois hasardeuses. Pourtant, cet album a conservé ses principaux atouts.
D'abord, il y a ce spoken word, l'un des plus brillants qui soit, l'exception qui confirme la règle pour ce genre souvent bancal et ronflant. Il y aussi ces passages de toute beauté, comme l'élégiaque "To the Moon's Contractor", le lent mais chaotique "I Feel Like $100", et surtout l'aérien et majestueux "Planet 10", où notre poète rappeur manipule habilement sa voix, passant d'un ton grave à une sorte de refrain éthéré, entonné sous hélium. Ce sont ces moments de génie qui, malgré le poids des ans, continuent à faire de Mike Ladd et de Welcome to the Afterfuture un épisode capital de l'avant-rap de la fin de l'ancien millénaire.
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