Joe Compayre, alias John Smith, rappeur échappé de la ville de Churchill, la soi-disant "capitale mondiale de l'ours polaire", tout là-bas au bord de la Baie d'Hudson, s'installe à Winnipeg à partir de 1993. Il s'y fait un nom en tant que que battle MC, mais ça n'est que plus tard, à la grande époque de Peanuts & Corn, que sa notoriété franchit les frontières du Manitoba, d'abord quand il rejoint Park-Like Setting et le collectif Break Bread, puis avec son premier album, Blunderbus, l'un des plus fins sortis par le label Peanuts & Corn.
Comme la plupart de ses collègues de label, John Smith sait qu'il n'est pas un noir du ghetto. Il fait donc part de préoccupations quotidiennes et triviales, plutôt que de donner dans les thèmes rap habituels. Il préfère l'introspection aux rodomontades, par exemple avec un "Walk On By" porté sur la confession. Il partage des souvenirs, comme la soirée décrite sur "First Date", confiant à l'occasion lire Dostoïevski.
Il aime aussi les touches d'humour, comme quand Mcenroe exhorte à acheter les disques de son label pour payer une voiture au rappeur ("No Room For Subtlety"), ou quand, avec Josh Martinez et Pip Skid, celui-ci détourne ce cliché rap qu'est l'attaque contre les wack emcees, pour s'en prendre aux skateurs du dimanche ("I'm Rollerblading!").
Comme souvent chez Peanuts & Corn, des boucles jazz et des basses rondes constituent la matière première. Celle-ci est enrichie par les scratches de DJ Hunnicut et par les beats haute-couture d'un Mcenroe prompt à jouer de fines variations, de ruptures subtiles et de sons originaux : des cloches tibétaines sur "Last Trip", des accents arabisants sur "Come So Far", le son atmosphérique de "I'm Rollerblading!"...
La méthode est assez proche de celle de Park-Like Setting, et les intervenants sont les mêmes. Comme sur le premier album de ces derniers, un thème fort traverse tout le disque : ici, celui du voyage, du déplacement, du mouvement, comme l'indiquent des titres tels que "Walk On By" et "I'm Rollerblading!", ou encore "Climb Everything", "Last Trip" et l'humoristique "F*&@ing Gas Prices Are Killing Me!".
Et si John Smith a décidé in fine de diversifier les sujets traités, ne laissant plus le titre original, In Transit, qu'entre parenthèses, son disque a gardé du projet original une certaine constance, caractéristique des meilleurs albums concept.
Fil des commentaires
Adresse de rétrolien : https://www.fakeforreal.net/index.php/trackback/973