C'est par cet album de Fermented Reptile que beaucoup ont découvert Peanuts & Corn, au début des années 2000, et qu'ils en sont devenus durablement épris. Entièrement produit par Mcenroe (à l'exception d'un "Accidents Happen" pris en charge par Sunil Ishq Bector, de Frek Sho), ce disque a posé les bases du son et de l'identité du label, avec ce jazz rap rénové et ces paroles militantes, distincts des beats et postures futuristes qui caractérisaient l'underground rap de l'époque.
Peanuts & Corn :: 1999 :: acheter cet album
Avec ce duo, en effet, nous étions loin des expérimentations et du mélange des genres pratiqués à la même époque par d'autres figures du rap indé. Hormis l'introspectif et magnifique "Simple Me", avec cette atmosphère ouatée et ce sample féminin qui lorgnaient du côté du trip hop, le son très homogène du reste de l'album penchait plutôt du côté du rap new-yorkais du milieu des années 90 à la Pete Rock ou à la Gangstarr. Il en offrait une sorte de suite logique et naturelle.
Pendant que Mcenroe concoctait des boucles jazzy austères et dépouillées et que DJ Hunnicut les émaillait de quelques scratches, Gruf et Pip Skid, alors encore appelé Wicked Nut, s'en prenaient avec gravité à la société de consommation, s'émancipant du rap léger qui avait caractérisé autrefois le groupe Farm Fresh, dont trois d'entre eux étaient issus. Le tout aurait aisément pu virer à la recette, mais c'est le grand mérite de Peanuts & Corn que d'avoir toujours évité cet écueil. Avec leurs basses oppressantes et leurs percussions habiles, les beats tout en nonchalance feinte et en fausse quiétude faisaient preuve d'une rare musicalité.
Quant aux rappeurs, ils réinventaient du tout au tout le rap politique, ils lui faisaient prendre un tour inhabituel, en évitant de se faire donneurs de leçon ("I ain't an advertisement, I don't speak slogans"), en faisant par exemple le portrait d'un homme rendu apathique par l'attente de la grande supercherie de Noël ("Urine Sample"), en s'interrogeant sur leurs propres penchants misogynes ("Simple Me"), en dénonçant l'industrie du tabac ("King Size") ou en militant pour la défense des animaux ("Wild Boar Hunt"), la grande marotte de Gruf.
Tout cela était tellement fin et bien senti que maintenant, des années après, et malgré d'indéniables longueurs, Let's Just Call you "Quits" est sans doute l'un des disques de cette période et de cette vague à avoir passé le mieux l'épreuve du temps, comme la plupart de ceux sortis par le même label en ces années-là.
Fil des commentaires
Adresse de rétrolien : https://www.fakeforreal.net/index.php/trackback/770