Tout Epic est résumé dans ce titre ironique. Sur ce premier solo depuis quatre ans, et bien qu'il ait changé de label (Hand'Solo a remplacé Clothes Horse), le plus atypique des rappeurs canadiens est égal à lui-même : faussement naïf, porté sur l'auto-dérision et adepte d'un humour décalé. Sur Aging is What Friends Do Together, le MC grisonnant révèle son admiration pour un hockeyeur dont il ne sait plus trop s'il est russe, tchèque ou slovaque ("Ah Hemsky"), il ne désespère pas de devenir un rappeur crédible, même s'il habite dans un patelin, qu'il porte des lunettes ("Walking Around Town") et que ses ambitions musicales ne font pas de lui un séducteur ("Move Home"). Et il nous signale, en se comparant sur un ton pince-sans-rire à Public Enemy et à Big Daddy Kane, que les plus radicaux des rappeurs dorment eux aussi avec des chemises de nuit ("Sleeping Shirts").
Hand'Solo Records :: 2008 :: acheter ce disque
Avec cet éternel numéro de clown triste, avec ce statut de rappeur blanc perdu au fin fond des prairies canadiennes, ces cheveux poivre-sel qui trahissent son âge déraisonnable, cette voix timide qui paraît bien terne après le déchainement verbal d'un Bleubird ("Music Appreciation II") et cette prédilection pour les boucles de guitare, certains, ceux qui ne viennent pas du rap, qu'ils l'aiment ou qu'ils le snobbent, ont pu penser à tort qu'Epic n'avait pas grand chose de hip-hop. Mais cela est faux, mensonger, à côté de la plaque. Tout décalé qu'il soit, il respecte avec scrupule les canons du genre. Ses références en viennent, exclusivement. Il joue et se joue des clichés rap à coup de "bitch" et de "gun", il salue ses homies, il rend hommage à sa scène locale ("The City"). Et il s'emploie une bonne fois pour toutes à affirmer sa filiation unique sur "I Only Like Rap", une mise au point qu'il conclut par un définitif "Fuck Radiohead, this is Epic, I don't rock, I rap!!".
C'est le même Epic que sur les deux albums précédents. Mais les sons, eux, s'avèrent moins convaincants, moins consistants, du fait sans doute du grand nombre de beatmakers conviés par le Canadien sur ce nouveau disque. Soso produit encore le tiers des titres, mais Maki, Kutdown, Kils, Factor, Variax, Mattr et le français Roma se pressent également aux manettes. La formule est conforme au style habituel du rappeur. Comme dit plus haut, les guitares ont la part belle et le rythme est globalement indolent, tout comme avant. Toutefois, à l'inverse des sorties précédentes, domine sur cet album une impression de facilité, une absence de solidité, dues peut-être au retrait de soso (il y aurait d'ailleurs de l'eau dans le gaz entre les deux compères...), même si un Factor ou un Maki ne déméritent pas. Pour cette raison, sans doute faudra-t-il goûter d'abord à Local Only et à 8:30 in Newfoundland pour se faire à Epic. Mais pour ceux qui ne sont plus à convaincre, Aging is What Friends Do Together compense ces quatre longues années d'attente.
Ales Hemsky, des Edmonton Oilers, est tchèque.
et Epic, n'est pas si vieux, il a juste une maladie à la con.