Puisqu'il est grandement question de régression dans l'enfance avec le dernier TTC, parlons de quand j'étais gosse. Quand j'étais gosse, donc, je mentais honteusement dans mes rédactions pour m’assurer une bonne note, j'y mettais ce que voulait y voir l'institutrice, avec calcul et cynisme. Ca marchait tellement bien que le jour où j'ai voulu écrire pour de bon ce qui me tenait à cœur, dans un style maladroit je suppose, je me suis pris un beau gadin, l'une des pires notes de ma vie d'écolier. Et bien, c'est précisément ce qui est arrivé à TTC. Leur troisième album semble avoir déplu aux fans, et pourtant, jamais le trio devenu quartet (ou sextet, on ne sait plus trop) n'a été autant lui-même, jamais il n'a été aussi honnête que sur ce disque.
Le groupe avait prévenu. Pour négocier la transition et l’abandon des derniers masques, Tekilatex avait repris à son compte le vieux discours sur la "vraie" pop music, celle qui serait populaire pour de bon. Journaliste et critique à la base, le leader du groupe a toujours su manier la rhétorique. Il sait argumenter, il sait légitimer ses partis pris. Le seul problème, c'est que quel que soit le discours de TTC, celui d'aujourd'hui ou celui du temps où le groupe se voulait une réponse française à la vague américaine du rap indépendant, il est invariablement desservi par ses sons. A quelques coups d’éclat près ("Game Over 99", des passages du premier album et le disque de L'Armée des 12), la musique n'a pas toujours été le fort du groupe.
TTC, c'est une maîtrise parfaite du grand cirque rock'n'roll, c'est une imagerie, une attitude, un discours, des fringues, une tribu, une forte capacité d'entraînement, avec un son à l’avenant : excessif, ampoulé, exagéré, rococo. TTC, c'est avant tout un manifeste, c'est une esthétique. C'est à ce titre qu'il est un groupe capital de la scène d’ici, rap et au-delà. Mais, hormis par accident, comme tant d’autres groupes français, la musique n'est que la partie d'un ensemble. Aujourd’hui que le groupe a la notoriété qui lui permet de faire ce qu’il souhaite, il s’autorise ce luxe ultime : véhiculer sur disque les fantasmes les plus personnels de Tekilatex et de ses acolytes, transposer sur CD un monde imaginaire fait de couleurs criardes, de sons en toc, de rétro-futurisme à la mode des années 80, de filles faciles et d’arrogance adolescente.
Et il n’y a pas de quoi être horrifié ou jouer les vierges effarouchées. Tout cela n'est pas nouveau chez TTC. C’est juste plus assumé et plus direct sur ce nouvel album. "On est un mouvement beaucoup plus que juste des artistes", déclare Tekilatex sur "Ambition". C’est tout autant un aveu d’impuissance que de la morgue, certes, mais c'est très juste, comme l'ensemble des déclarations de ce titre manifeste. Car pour le dire une fois encore, jamais les gens de TTC n'ont été aussi francs, jamais ils n'ont été autant eux-mêmes que sur cet album.
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