Depuis que le hip-hop a conquis la planète, il est devenu intéressant d’observer comment chaque pays se l’est approprié. Si certains, la France en premier lieu, n’ont longtemps fait que singer le modèle américain, à la manière d’une vague yéyé d’un nouveau genre, d’autres l’ont réinventé à leur propre sauce, sans se contenter, réflexe de feignant, de mélanger le rap à leurs musiques locales. Et l’un des pionniers de ces déclinaisons originales est sans conteste le Japon.

IMMIGRATE US - Our Own Nostalgia

Même s’il a lui aussi son contingent de vils copieurs, le pays des groupies et du clonage musical a fait connaître assez tôt une vision propre et personnelle du rap. Le succès critique de DJ Krush, c’était il y a déjà plus de dix ans. Et d’autres artistes nippons se sont engouffrés depuis dans la brèche ouverte par ce père de l’abstract hip-hop, dont certains comme Tha Blue Herb, ou plus récemment la fantasque Rumi, ont été plusieurs fois l’objet d’articles élogieux sur nos pages.

Mais nous n’avons pas encore parlé d’Immigrate Us. C’est par quelqu'un connu des amateurs de hip-hop indé, à savoir Ancient Mith, le rappeur du Colorado, que nous ont été révélés les beatmakers Aki et Authentic, ainsi que le rappeur et producteur Nejel Mongrel. Our Own Nostalgia le premier album du trio, est un chaînon manquant entre l’indie rap américain et cet hip-hop instrumental tendant vers l’électronique où excellent certains Nippons. Ce grand écart se traduit par un long disque éclectique, décousu même, avec sa suite d’instrumentaux froids ou jazzy ("Dublin’s Avenue"), agrémentés ou non de turntablism, et de raps en japonais ou en anglais interprétés par Nejel Mongrel et quelques invités.

Cet album aux faux airs de compilation, ce grand patchwork, manque de constance et de liant. Une bonne partie des titres, les instrumentaux surtout, font un peu tapisserie ("Time To Flow And A Piano", "Secret Passage", "Apocalyptic Warmth", "A Trip To The Universe"). Et ce freestyle qui s’étend sur la neuvième plage sur près de sept minutes trouve vite ses limites quand on n’en comprend pas le sens.

Mais hors du ventre mou de l’album, certaines autres plages prouvent que ces trois Japonais ne sont pas quantité négligeable. Parmi ces réussites, on compte un "Schizo Tears" à l’énergie rock, l'instrumental classieux de "Emeral Forest" ou ce "Muteki" au son électronique obsédant et hypnotique.

Oh bien sûr, cela ne suffit pas à faire de Our Own Nostalgia un disque indispensable, mais c’est bien suffisant pour vouloir suivre de près toute autre sortie de ces trois Japonais.

PS : merci à Newton de m'avoir révélé l'existence de ces gens.

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