Chez Brad Hamers, ce qui a toujours compté, ce sont ces textes, qu'il aime déclamer cérémonieusement. Ce sont ses envies de poésie. Et pour que ce soit plus clair encore, il a sorti un disque sans son, sans accompagnement musical, avec tout juste ses paroles hallucinées. Pourquoi pas, mais à la longue, cette formule de spoken word aride s'avère tout de même un peu difficile à ingurgiter.

BRAD HAMERS - Ligature

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Brad Hamers adopte la bonne démarche : le hip-hop, il s’en fiche. Parce qu’il a été baigné dans cette musique, parce qu’il a grandi avec, comme la plupart des Américains de son âge, ses albums avec Phlegm ou sous son nom se rattachent bon an mal an à ce genre, par défaut. Mais le bonhomme n’a jamais vraiment cherché à faire un disque de rap. Il l’a même ouvertement déclaré. Car ce qui l’intéresse, c’est la poésie, c’est la possibilité de déclamer ses vers quel qu’en soit le véhicule. C’est ainsi qu’il est parvenu à livrer en 2004 ce très bon disque de post rap, de post emo rap pourrait-on dire, qu’était The Cut-Ups of a Paper Woman.

Brad Hamers se moque du hip-hop, donc. Selon lui, seules les paroles présentent un intérêt et il le prouve mieux que jamais sur Ligature, un nouveau disque sans beat, sans la moindre parcelle d’accompagnement musical, destiné à être le premier d’une série de sorties spoken word. Pour que les choses soient claires, pour que l’attention se porte exclusivement sur les textes, il n’y a plus qu’eux, il n’y a plus que les paroles et les images hallucinées des sorties précédentes. Tout juste Brad Hamers se permet-il un fond évanescent et une voix amplifiée sur "Knots of Leaf Piles", étouffée sur "Wood and Staple" ou saturée sur "Test113759".

En conséquence, et même si la plupart des titres sont courts, la pilule est un peu difficile à avaler. La musique, ce n’est tout de même pas ce qu’il y avait de plus dégueulasse sur les albums précédents. Et là, elle manque cruellement. D’autant plus que le ton de Brad Hamers se fait terriblement monocorde. Ce n’est pas du rap, ce n’est même pas du slam, malgré un grand effort d’articulation et un phrasé théâtral : c’est de la récitation. Des effets stylistiques comme les accélérations de "Seat24RowE" rompent temporairement la monotonie, mais ce n’est pas suffisant. Pour trouver un intérêt à cette sortie limitée, numérotée et infiniment personnelle, il faut aimer la poésie, ne jamais écouter ce disque de bout en bout, avoir une compréhension parfaite de l’anglais, être un fan absolu de Brad Hamers ; et à vrai dire, il ne doit pas se trouver grand monde pour respecter chacun de ces critères.