C’en est à peine croyable. L’un des membres de Blue Sky Black Death serait donc le producteur The Orphan. Ce Kingston qui s’est fait connaître en produisant un album d’Holocaust, l’un des affiliés du Wu-Tang Clan, celui-même qui s’affiche sur le présent disque aux côtés de Guru de Gangstarr, d’A-Plus des Souls of Mischief et (moins surprenant toutefois) de Mikah Nine de Freestyle Fellowship, serait celui qui épaulait Noah23 autrefois. La réapparition de ce beatmaker du gouffre avec une multitude de rappeurs plus prestigieux les uns que les autres, version hip-hop de l’histoire du Vilain Petit Canard, a de quoi surprendre. Mais l’essentiel n’est pas là. L’essentiel, c’est que cet album est aussi l’un des plus remarquables de l’an passé.
Blue Sky Black Death aime le chiffre deux. Non seulement ce sont deux hommes, Kingston et Young God, qui se cachent derrière ce nom. Mais en plus, ils nous offrent deux albums d’un seul coup. L’un est le disque habituel où des beatmakers invitent une clampée de rappeurs à poser sur leurs sons ; l’autre, plus personnel, est une suite d’instrumentaux. Le premier fonctionne globalement bien, hormis le titre avec Mike Ladd et Rob Sonic ("Long Division"), mais il ne propose pas grand-chose de neuf. Il est fait de violons emphatiques qui renforcent les raps agressifs de Jus Allah et de Sabac Red ("Engage My Words"), ou plus tard, ceux de Virtuoso ("Brain Cells"). On y entend une guitare funky qui soutient le phrasé de Guru et de Chief Kamachi ("Floor Chalk Best Reprise"), ou une autre, qui enrichit les marmonnements d’Awol One. Ce sont aussi des beats soyeux, qui sertissent les rap de Lil Sci ("Scriptures"). Et tout cela s'organise dans le cadre de bonnes vieilles boucles plus ou moins bien senties.
Le second disque, en revanche, se distingue du tout venant abstract hip-hop. Il contient les arguments les plus forts en faveur de ce double-album. De longues plages somptueuses s’y étalent, émaillées (c’est pour le duo une véritable marque de fabrique), de guitares et/ou de voix évocatrices ("Days are Years", "Chloroform", "They Came Around", "Dreams of Dying", "Heroin for God") et agrémentées de passages plus toniques, comme ce "From Suns Angle" au violon endiablé. Tout cela est présenté avec soin, sans qu’il n’y ait jamais rien de trop ni de forcé, sans que cela ne dégénère jamais en un hip-hop symphonique de mauvais goût. Et sur ce volet, à l'inverse de l’autre disque, l’ennui se tient ici presque toujours à bonne distance.
Pas sûr, en dépit du talent de Kingston et de Young God, que cet album bénéficie de l’exposition qu’il mérite. A l’heure où ce qu'il reste de la scène hip-hop indé assume ses accointances avec le rock, en ces années 2000 où une partie du rap est redevenue une musique de bal, ce Heap of Broken Images mi-middleground mi-rap instrumental pourra sembler daté. La délicatesse de certaines compositions révulsera encore ceux, à l’ouest, qui se sont toujours refusé à apprécier The Orphan, ceux qui n’ont pas réalisé qu’il a produit le meilleur des innombrables albums d’Orko the Sykotic Alien, et ceux qui n’ont jamais rien voulu retenir des albums de Noah23. Mais ils se tromperont, cette fois tout comme les précédentes.
1 De geL- -
Oui, il est bien. Comme je le disais à l'epoque j'ai pris le CD rappé plus comme un bonus, un cadeau que nous faisait BLUE SKY BLACK DEATH.