C’était notre star du début des années 2000, l’un des rappeurs les plus charismatiques de la scène West Coast Underground, l’héritier le plus en vue du Project Blowed, le Shapeshifter le plus évidemment promis au succès. Un grand avenir lui était destiné. Mais finalement, ça ne s’est pas passé comme prévu. Ce n’est pas forcément par ses pionniers ou par ses membres les plus talentueux qu’une scène musicale explose. Ce n’est donc pas Awol One qui sort triomphant de toutes ces années d’activisme, de tout ce temps passé à sortir des petites perles pour le même cercle d’auditeurs passionnés. Pas plus que 2Mex, dont la carrière aura été en tout point parallèle à celui du MC à la voix rauque et éthylique, Awol One explosera un jour. C’est un artiste plus récent, c’est ce Mickey Avalon bien plus sexy qui s’apprête à remporter le morceau. Et pendant que l’auteur de "Waiting to Die" et de "Jane Fonda" se prépare à conquérir le monde, ce bon vieil Shapeshifter sort un nouvel album sans la moindre once d’intérêt.
Son dernier disque s’intitule The War of Art et c’est donc le plus raté de tous. Pourtant, il a dû y croire, il a dû y travailler d’arrache-pied. Pour marquer le coup, il a même invité une liste d’invités impressionnante. Jugez-donc. Awol One a convié sur ce disque Daddy Kev, 2Mex, The Grouch, Pigeon John, Eyedea, Riddlore, J-Zone, DJ Rhettmatic et même KRS-One. Ouais. Et puis ce sont toujours les mêmes petites rengaines rappées ("Casting Call"), les mêmes chantonnements d’alcoolique ("Get You"), le même storytelling désinvolte, le même personnage à mi-chemin entre le sage et le loser, la même déformation de slogans popularisés par d’autres, comme "video killed the radio stars" ou "shiny happy people". Il y a tout cela mais en moins bien. Awol One a passé le cap où le génie originel se transforme en formule et en une série de réflexes pavloviens. Et des fois, c’est même pire, ca vire au classic rap dans ce qu’il a de plus puant, comme sur cet "Underground Killz" avec 2Mex et KRS-One, qui est tout bonnement le plus insupportable titre de l’album avec sa boucle de violon pénible.
Il y a bien de la variété et de l’ouverture sur d’autres genres pour aérer tout cela. Mais quand Awol One donne dans la old school, ça sent le faisandé ("Breathe Today"). Quand il se met à l’électronique, c’est horrible ("Seeds Grow"). Et quand il verse dans le rock hardcore, c’est encore pire ("Bloody Shoes"). Bref, on serait même bien en peine de trouver ici l’équivalent des quelques perles qui sauvaient les albums précédents du charismatique rappeur d’autrefois. Il n’y a ici que des punchlines qui tombent à plat, des borborygmes monstrueux, des beats sans saveur et des scratches moches. AWOL, en Anglais, ça veut dire déserteur. On aurait presque envie que le rappeur donne raison à son pseudo, qu’il arrête tout et qu’il ne nous laisse plus que des bons souvenirs comme Souldoubt, l’album des hits et de la sensation underground, ou Number 3 on the Phone, le plus accompli de tous, plutôt que ce The War of Art sorti pour rien.
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