C’est une seconde vie pour Clothes Horse Records. Après s’être consacré à sortir les disques très singuliers de ses fondateurs, le label de Saskatoon a pris en charge le sort des légendes perdues du rap canadien. Cela a commencé l’an passé par Recyclone, dont les premiers disques ont été réédités, et qui a sorti un album commun avec soso. C’est maintenant le tour de Thesis Sahib, l’incontournable illustrateur des pochettes de certains disques d’Alias, Deeskee, Bleubird et Buck 65, le rappeur prolifique, mais aussi l’auteur d’albums déjà nombreux, seul ou avec Bending Mouth, Imaginary Friends et les Swashbuckeling Napoleons.

THESIS SAHIB - Loved Ones

Après avoir signé des disques un peu partout, chez Motion Recordings, chez Cease and Desist, chez les Allemands de Subversiv*Rec et chez les Français de (vulgar), le rappeur originaire de London, dans l'Ontario, a donc rejoint le label de soso pour cet album solo, Loved Ones. Et ce qui marque, à l’écoute de cette sortie produite par Nyles de HOWL (un autre groupe auquel Thesis Sahib a appartenu), c'est cette nouvelle progression vers une formule plus pop, vers cet entre-deux musical où se situent désormais nombre de rappeurs de l'underground. Loved Ones parachève l’évolution déjà sentie de The Secret Adventures of Thesis Sahib and Friends, le premier album du Canadien, au plus récent War Time Theme Songs for the Modern Ego.

"Dengue" donne le ton avec ces guitares rock pêchues, complétées par un verbe tout en allitérations et par une poésie abstraite dans le pur style indé. Ces mélanges se poursuivent avec d’autres guitares ("Eavesdrops") ou sur le ton d’un tube new-wave ("Action Man"). Et tout du long, on observe des similitudes avec d'autres MCs qui se sont, eux aussi, affranchis de leur rap d'origine. Ici, "With What We Have" évoque Buck 65 dans ses phases les plus sombres. Là, "On The Road to Rotting" rappelle le chantonnement de Pigeon John, en plus rapide. Et sur "Near the Low Stream", on pense à Ceschi et à sa pop sixties mélancolique revisitée par le rap.

James "Thesis" Kirkpatrick, en fait, propose autant d’exercices de style différents que de titres. Et ceux-ci sont nombreux, trente très exactement, pour une durée totale de trente-quatre minutes. Ce qui donne, vous comptez bien, une minute par plage. L’album regorge de petites tueries, avec l’orgue, les tintements et le crescendo de "Mud Pies", le tube électronique "Stuffed as a Champion", le sing-song robotique de "On the Road to Rotting", l’étrange complainte de "The King’s Men", ou le reggae de "Crawling on your Needs". Et pourtant à peine commencés, ces titres se terminent déjà, ne permettant jamais au plaisir de succéder à l'accroche.

C'est là le seul défaut de ce Loved Ones déroulé à toute allure. Si Thesis Sahib avait laissé aux graines de tube qui le parsèment l’espace nécessaire pour pousser, il aurait sorti le meilleur disque rap indé de l'année 2006. Mais en fait, il n'en a proposé que les snippets.

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