La scène hip-hop de Portland, Maine, compte une femme. Epouse de JD Walker, principale collaboratrice de Moshe, membre avec Bread de Knowcomplex, Sonya Tomlinson est même au centre des hostilités. Elle a participé notamment aux derniers albums respectifs des deux premiers cités, pour deux titres parmi les meilleurs jamais proposés par ces gens : "Be Found…" sur Tending to the Sheep et "Patient Peoples" sur Them Get You… Them Got You. Il était donc plus que temps de se pencher sur le premier album de celle qui se fait appeler Sontiago, une compilation de ses travaux sortie en 2004 et intitulée Abuse My Adoration.
La première impression, cependant, n’est pas des plus favorables. Sontiago propose un énième disque de rap adulte où les beats, pondus par trop de producteurs, paraissent secondaires. Le premier rap, "Listening to Shadows", est très bon. Mais l’ambiance jazzy et laid-back concoctée par Lifelike, tout comme les deux minutes de scratches qui précèdent ("Just Made It"), ouvrent un disque moins audacieux que ce qu'ont parfois proposé les gens du Maine et leurs copains exilés en Californie. Même jugement pour ces textes où l’introspection domine, que Sontiago s’interroge sur son identité ("Listening to Shadows"), qu’elle revienne sur des moments pénibles de sa vie ("Offnights") ou qu’elle fasse une mise au point sur ses amours ("If You Go").
Mais petit à petit, Sontiago montre qu’elle a plus de ressources qu'entrevu de prime abord. Cessant d’explorer les méandres de sa personnalité et de ses relations, elle s’aventure habilement dans le rap politique sur "Misperceptions", une longue suite de (bonnes) questions. Sur "30 Days…", en dépit d’un beat pauvre, elle relate avec adresse l’histoire jour après jour d’un désamour. Les sons aussi gagnent en épaisseur à mesure qu'avance le disque et que se multiplient les écoutes. Ils acquièrent avec succès cette coloration folk / rock déjà très marquée chez JD Walker, sur "Assumptions" (justement produit par l’époux de Sontiago) et via la belle guitare acoustique du remarquable "Retrospect" (avec encore son ex-Live Poets de mari). Et puis il y a "Iznoon", avec un sample issu de je ne sais plus quel titre à synthétiseur archi connu, mais qui finit par le faire. Ou bien le dub chanté de "Referred Pain". Ou encore l’inaltérable "Be Found…" produit par Moshe, avec ses cordes orientales et un refrain dont on se souvient.
Abuse My Adoration est perfectible, mais à ce jour, c’est l’un des albums les plus prometteurs venus du Maine. Et si après écoute, vous n’êtes pas convaincu, donnez tout de même une chance aux sorties futures de Sontiago. Dans les notes de pochette, celle-ci nous dit : "ce n'est pas le meilleur travail dont je suis capable... celui-ci est à venir". Et elle pourrait avoir raison.
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