Vous connaissez le concept de "bon album moyen" ? Cette catégorie est destinée aux disques auxquels personne ne promet un avenir de classique, et qui ne trouvent jamais leur place dans les classements de fin d’année. Mais quiconque se retrouve avec de tels objets entre les mains ne s’en sépare jamais. Au contraire, il leur réserve une place au chaud dans sa discothèque et il les réécoute régulièrement, conscient de leurs défauts, mais néanmoins avec plaisir. Le chouette Invest Mentality des White Collar Criminals mis à part, tous les disques solo du rappeur Sankofa appartiennent à cette catégorie, ils sont le type même du "bon album moyen".
Le dernier de ces disques, Still Means Somethings, diffère des précédents, Obese America et de The Rosetta Stone. Ce n’est plus une compilation des collaborations avec une multitude de beatmakers, mais l’œuvre d’un duo formé avec Fangface. Toutefois, cela ne change pas grand-chose. Parce que ce producteur apporte ce qu’il faut de diversité, musique country, accents orientaux, sonorités sombres ou autres, pour que tout cela ne sonne jamais monolithique. Et parce que rien dans son style n’est proprement révolutionnaire, parce que ses beats réglementaires sont purement fonctionnels et que l'atout de ce disque, c’est d’abord lui, Sankofa nous offre un album comme tous ses prédécesseurs.
Pour tout dire, le morceau le plus funky, entraînant et musical de l’album, "Velcro Sneakers", est le seul que Fangface n’a pas produit, un dénommé Actuel s’étant chargé de l’affaire. Le seul apport majeur du producteur de Still Means Something, c’est ce goût prononcé pour les ruptures musicales du couplet au refrain, un goût qui se manifeste jusqu’au posse cut conclusif, ce "Barnburner" où chaque intervenant ('Kofa lui-même, Jon?Doe, AthenA et Kashal-Tee) bénéficie d’un beat distinct, pour un résultat qui s'avère du plus bel effet.
Mais pour l’essentiel, c’est bel et bien Sankofa qui préside les débats avec sa grosse voix grave, son sens de l’assonance et son humour. C’est lui l’attraction principale de ce disque, par exemple quand il joue le pilier de bar façon cow-boy sur "99 Goggles", quand il abandonne son rap dense pour un brin de chanson, quand il raconte ses histoires d’amours malheureuses sur "Lovesick" ou quand il sort une punchline bien sentie sur la poufiasse la plus célèbre de la planète :
Back in the days listening to Paris
When Hilton was the name of a hotel
And not a whore
A l'époque où on écoutait Paris
Quand Hilton était le nom d'un hôtel
Et pas d'une pute
Dixit l'intéressé sur le très bon "Handful of Words". C’est pour toutes ces idées plutôt que la musique que Sankofa mérite d’être suivi, sur cet album comme sur tous les autres.