Tout commence vers 1998, quand Mike Nardone tombe sur une cassette d'instrumentaux concoctés par un Californien quasiment inconnu. Séduit, le disc-jockey culte fait découvrir l'objet aux gens d’Ubiquity Recordings, qui décident de signer l’auteur. Elvin Estela, alias Nobody, enrichit alors cette petite compilation de travaux personnels. Et c’est un peu plus tard, en 2000, que sort un album amené à devenir une pièce de choix du hip-hop instrumental, Soulmates.
L’album est prisé à sa sortie, mais il ne rencontre pas pour autant d'accueil triomphal. Il faut dire qu'il s'y prête peu. Soulmates est un disque discret et sans coup d’éclat, une longue suite contemplative, un album très jazz, mais dans l’esprit plutôt que dans le son. Car au lieu de donner dans les saxos, trompettes et pianos archi-rabâchés par le rap des années 90, Nobody alimente son hip-hop de chambre de groove lent, de space rock, voire de pop psychédélique de la décennie 60, l’une de ses marottes, comme il le montrera quelques années plus tard avec son album Pacific Drift.
Cela aboutit à des pépites, comme le mal nommée "Monotone" avec son piano, et le magistral "Green Means", avec sa guitare montée de percussions, deux titres dans un style voisin de DJ Shadow. Il y a aussi des plages plus originales, comme "Sixth Sense" et sa guitare mélancolique, "Outbreak" et ses boucles parcourues d’un son étrange, puis de flûtes, ou "For Those Who Never Dream" avec ses clochettes.
Tout cela est irréprochable, seuls quelques titres sombrent du mauvais côté de la musique molle du genou ("Syde Tryps", "Tone Therapy") et gâchent un peu la fin du disque.
Nobody excelle sur les instrumentaux, mais pas seulement. Les titres rappés dont il a parsemé l'album sont de même niveau. Il n’a pas convoqué n’importe qui. Le beatmaker s'est arrogé les services de membres du Project Blowed, soient Abstract Rude (sur un "Inner Eye" un peu faible), Aceyalone en solo sur "Faces Of The Deep", Freestyle Fellowship au complet sur un convaincant "Planets Ain’t Aligned", la rappeuse Medusa, sans oublier un 2Mex à l’époque davantage connu à travers les Visionaries qu’en son nom propre, et qui se distingue sur l’orientalisant "Shades Of Orange".
Tous ces "soulmates" apportent la petite cerise sur le gâteau : des paroles à une musique qui n’en a pas grand besoin et qui, à quelques minutes superflues près, frise la perfection.
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