A l’origine d’Anticon et de tous les Anticon-like, il y a des blancs. Des blancs issus de la classe moyenne américaine qui se sont formés musicalement dans les années 90 et qui ont, de ce fait, été nourris à rations égales par un rap en triomphe et par un rock alternatif révélé au grand jour par l’explosion grunge. Des gens qui, expérience plus rare en France, ont pleinement digéré les sons et les codes propres à chacun de ces genres musicaux, qui se les sont appropriés et qui les ont synthétisés, quittes à y ajouter quelques agréments électroniques supplémentaires. Mais à l’origine d’Anticon, il y a aussi et surtout Sole, et avant cela son premier groupe, les Live Poets, auquel a apppartenu aussi un certain JD Walker.

JD WALKER - Them Get You... Them Got You

JD Walker (ou jdwalker, si l’on suit l’orthographe du disque) n’a pas quitté le Maine pour s’installer à l’autre bout des Etats-Unis. Il n’a pas rejoint le label à la fourmi, même s’il est distribué par 6 Months, même si Alias et Sole produisent pour lui, à l’occasion. JD Walker a poursuivi son chemin loin de toute exposition, à l’écart de l'engouement dont ont bénéficié ses petits copains installés en Californie.

Pourtant, aucun disque ne symbolise mieux cette fusion des genres propre à ce rap de blancs que Them Get You… Them Got You. Sur ce second album après un Our Condition tout aussi confidentiel sorti vers 2002, JD Walker passe sans couture des instrumentations les plus minimalistes à l’électronique la plus bizarre, du folk le plus rêche au rap le plus ampoulé. Il le fait dès les toutes premières plages, quand à l’a capella de "Nailded" succède avec les mêmes paroles un "Nails Over Unjoy" hip-hop produit par ce bon vieil Alias.

Tout au long de l’album, les beats ne cessent de changer. Ils s'adaptent à la voix protéiforme de JD Walker, tantôt chant rocailleux, tantôt phrasé sur-articulé à la Aesop Rock. Ce peut être une superposition de guitares électrique et acoustique agrémentée d’une poignée de scratches et d’une voix harangueuse mais pas rap pour autant ("Omen"), une plage de jazz relax ("Jazzy Fresh Fucker"), du néo-grunge ("Men And Women Show"), un rap urgent noyé sous les percussions ("The Two Six"), un folk dépouillé ("Know No Company") ou une complainte langoureuse sur guitare criarde, à la Beck des mauvais jours ("Red Sky In The Morning").

Ce n’est pas toujours bon. Ce blues d’employé de l’industrie piscicole que le rappeur est, par ailleurs (d’où la pochette), est accompagné parfois de sons un peu trop louches. C’est le cas sur "Since Saturday", une production de Sole saoulante où apparaît l’inénarrable Bleubird. Mais en contrepartie, cet album contient le très bon rap à guitare de "Patient Peoples" où le rappeur est épaulé par sa femme Sontiago et par Sole, à nouveau. Et il révèle deux titres d’anthologie, ou plus exactement les deux volets mémorables d’un même titre, celui qui donne son nom au disque, deux plages à se damner produites par JD Walker lui-même et accompagnées de K-the-I???, différentes mais construites sur le même mode épique et haletant, deux preuves que le talent du rappeur n’a pas grand-chose à envier à ses compères plus connus que lui.

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