Internet n’a eu quasiment que des effets positifs sur la musique. Il a été un tremplin pour beaucoup, il a facilité le rapport direct de l’artiste à l’auditeur, il a désenclavé des territoires éloignés des réseaux musicaux historiques, il a multiplié les médias et les points de vue. Le téléchargement, légal ou illégal, a permis aux néophytes de se constituer rapidement une discothèque et une culture musicale, et il a exercé une pression à la baisse sur le prix des vrais disques. Bref, tout en faisant du mal à l’industrie, Internet a fait du bien à la musique, même s’il est plus que jamais difficile d’en vivre. Et au total, c’est tout bénef’. Mais à une nuance près.
Avec le flot de musique auquel nous avons désormais accès dans ces années 2000, avec cette marée de disques qui nous submerge chaque jour, nous ne savons plus prendre de recul, nous sommes contraints par notre temps d’écoute, nous devons jeter trop vite. Le résultat, paradoxal, c’est qu’au lieu d’ouvrir grand ses oreilles sur la sono mondiale, nous fouillons moins, nous nous contentons de la musique qui se rapproche spontanément de ce que l’on connaît déjà, de ce qui nous caresse dans le sens du poil, de ce qui nous chatouille les oreilles.
Prenez The Lost Take, par exemple. Forte est la tentation de ne pas donner de deuxième chance à ce nouvel album de Dosh. A la première écoute, cette musique instrumentale midtempo semble sans grande conséquence avec ses orgues et ses synthés vieillots, ou avec ce poème récité par sa femme, Erin, sur le titre "Ship Wreck". D’ailleurs, qu’avons-nous fait de son premier album, celui qui n’avait pas de titre ? L’avons-nous sorti si souvent de son boîtier depuis sa sortie ? Et puis Martin Dosh, n’est-ce pas qu’un misérable second couteau sorti de Fog, un groupe qui repose tout entier sur la personnalité d’Andrew Broder ? Bref, pourquoi s’y intéresser plus longuement ? Ce qui sauve cet album, finalement, c’est sa présence sur un label influent, une distribution parfaite et une promotion digne de ce nom. Soit les bonnes vieilles recettes pour lancer un disque. Sans cela, qui aurait remarqué cette musique d’ascenseur ?
Mais justement, il aurait été dommage de ne pas le faire, car The Lost Take mérite une deuxième écoute. Et une troisième, et une quatrième, et une cinquième encore. C’est l’un de ces innombrables disques d’apparence insignifiante qui se bonifient avec le temps. "One Through Seven", ce morceau d’ouverture en crescendo est une réussite, le finale "Lost Take" l’est tout autant avec son saxophone fou et sa petite mélodie légèrement dansante, et au milieu, il y a d’autres plages du même acabit : un morceau haletant à guitare ("Mpls Rock And Roll"), une petite ritournelle électronique avec des chœurs d’enfants ("Fireball"), ou le joli mariage entre un violon et un synthé sur "Um, Circles And Squares". Et le meilleur dans l’histoire, c’est qu’après chaque écoute, on change de morceau favori. The Lost Take, pour autant, ce n’est pas un chef-d’œuvre. Non. Mais c’est sans mal le meilleur disque de Dosh. Et c’est aussi un album plus constant que d’autres sorties Anticon pourtant plus marquantes.
Tiens, moi son premier album je l'aime bien, bon tout n'est pas fantastique mais y a des tubes !! Enfin pour moi.
Sinon du coup j'ai hâte d'écouter le prochain !
Attention, celui chroniqué ici n'est pas son deuxième album. C'est son troisième, il y en a eu un autre au milieu.