Il manquait peu de choses à la musique de Curse Ov Dialect pour approcher de la perfection : un peu de concision, de l’ordre dans les idées, de la discipline dans ce hip-hop à voix multiples bourré de samples issus des quatre coins de la planète, des chansons à peu près identifiables plutôt que ces espèces de jam sessions rap épuisantes. Or, c’est précisément ce que les Australiens ont réussi sur leur dernier album, le deuxième chez Mush, Wooden Tongues. Même s’ils ne sont pas devenus plus sages et moins bavards pour autant.
Raceless, Atarungi, August 2, Makedonski et Paso Bionic n’ont pas abandonné leur rap débridé, très loin s’en faut. Leur formule, c’est toujours un grand n’importe quoi aux accents world music prononcés, avec des flows qui partent dans tous les sens, un rappeur japonais qui déboule d’on-ne-sait-où ("The Potato Master"), des instruments dont nous ignorions l’existence jusqu’ici, avec autant de musiques folkloriques nationales que de morceaux, voire dix fois plus.
Ici, une clarinette et un hautbois relayent une série de "lalas" ("Word Up Forever"). Là, une musique lente s’emballe tout à coup avec une guitare et une flûte guillerette, avant que ne surgisse un clavecin ("Forget"). Côté paroles, même chose. Les Australiens se lancent toujours dans de grandes réflexions sur la marche du monde, ils font de la géopolitique à l’emporte-pièce, comme avec cette "Letter To Athens" rappée sur fond de fanfare balkanique, où Vulk Makedonski défend sa Macédoine d’origine dans sa dispute avec la Grèce.
Cependant, même s’ils sont toujours gavés jusqu’au gosier d’idées farfelues, les titres ont une identité plus marquée que sur Lost In The Real Sky. Des gimmicks employés tout du long des morceaux leur donnent une cohérence plus forte, comme par exemple les instruments et le chant arabes de l’excellent "Take Me To The Arab World", le violon enjoué de "Bury Me Slowly" ou la petite valse piquée à Yann Tiersen sur "Broken Feathers", la plage la plus accrocheuse.
Il n’y a presque plus de déchet, c’est réjouissant de bout en bout, à quelques lourdeurs près en fin de parcours comme le rock’n'roll irritant de "Strawberries". Le plat est riche, mais il est digeste. Wooden Tongues, c’est une promesse tenue. Sans trop y croire, nous attendions de ce groupe singulier, bourré de talents mais indomptable qu’il nous livre sa grande œuvre. Eh bien, à quelques scories près, on y est.
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