Quand on est situé loin des scènes rap les plus exposées, en Arizona par exemple, il est difficile de se faire connaître, même à l'échelle réduite de l'underground. Et de fait, seuls quelques noms issus de cet Etat ont réussi à percer auprès du petit monde indé. C'est le cas des Drunken Immortals, du label Universatile Music ou encore, pour les plus avertis, celui du groupe de "live hip-hop" Morse Code. La scène rap de Phoenix, cependant, c’est également le collectif Avenue of the Arts (AOTA), qui s’est fait timidement remarquer par quelques collaborations et concerts avec des voisins californiens un peu plus connus qu’eux, comme Busdriver, 2Mex ou LMNO.
Formée d’Ill Al the Anglo Saxon, d’Ohm et des groupes The Unusuals, Central Products et Stereo Typed, cette association de rappeurs a su nous proposer quelques albums notables, dont le plus remarquable est vraisemblablement Synchronicity. Ce solo du rappeur Courdek, produit par ses propres soins et par ceux de DJ Les et de Konradio des Unusuals, a le mérite d'éviter les caricatures et de défier les catégorisations. Indubitablement hip-hop, avec ce qu’il faut de scratches, de samples et de boucles, et bâti sur l’habituel format couplet / refrain, il dépasse pourtant les routines classic rap et il est doté d'une couleur très "musicale", propre à ceux qui, comme Courdek lui-même, ont été formés autrefois à de "vrais" instruments.
L'album, dans son ensemble, s'avère être un modèle d'équilibre. Parsemé de sons électroniques et de vocoder ("Synchronicity", "Televisionary"), ce disque riche en sonorités et en textures comporte aussi des pianos, des guitares, de l’orgue, des flûte et des cuivres moins futuristes, voire légèrement désuets. Accueillant envers les refrains chantés ("That One", "Float", "Judge Not", "Step Two", "Walkin’ Away"), il recèle aussi de raps véritables, et des phrasés aux rythmes trépidants ("Storytime", "Travelin’ Man"). Personnel et introspectif, porté sur le récit et sur le partage de tranches de vie, il n'est cependant pas outrancièrement "emo".
Ouvert aux autres membres d'AOTA (Al the Anglo Saxon, Mykr Fiend X, Ame et Beatnik sur le posse cut "Everyday"), il est pourtant, avant toute chose, une œuvre personnelle. Riche en leçons de sagesse (la nocivité de la télévision, la nécessité de vivre sa vie, etc.), il n'est cependant jamais prêcheur ni sermonneur. Long, sans tube, sans prétention et sans accroche immédiate, mais sans tache, Synchronicity est un bon disque, indubitablement. L’un des plus constants, des plus équilibrés et des plus longs en bouche proposés par le rap de cette région, un aperçu plutôt engageant du collectif Avenue of the Arts et de la scène de Phoenix.
Merci à Benoît de A Découvrir Absolument pour m’avoir fait connaître cet artiste.
Je ne l'ai pas encore reçu mais ta chronique me met l'eau à la bouche. Les extraits de son myspace m'avaient bien plu quand même.
Bon j'aime définitivement cet album. Je l'ai reçu ce matin même et j'en ai déjà fais plusieurs fois le tour. Il a été équilibré juste ce qu'il faut; un des rares albums de cette année que j'écoute sans problèmes de A à Z.
Surtout au niveau de la production, c'est subtil, avec beaucoup de musicalité. On en viendrait à oublier les boucles et le sampling.
Je suis plus que ravi de voir que des rappeurs plus ou moins inconnus parviennent à rendre une copie de la sorte. Comme quoi, en prenant la peine de chercher un peu,.....