La sensation rap canadienne de l'année 2005 ne ressemble en rien au hip-hop introspectif et chiadé auquel l'underground du pays de l’érable et du caribou nous a habitués. Bien au contraire. Breaking Kayfabe est une furieuse décharge d’adrénaline remplie de sonorités électroniques. Le premier album de Rollie Pemberton, alias Cadence Weapon, vaut même au jeune rappeur et producteur d’Edmonton, fils d’un DJ originaire de Brooklyn et collaborateur occasionnel de l’ami Mcenroe, outre des critiques excessivement favorables, un statut de Dizzee Rascal nord-américain.

CADENCE WEAPON - Breaking Kayfabe

A la manière du Scavengers de Food For Animals sorti l'année sur le même label, Breaking Kayfabe (un terme emprunté au catch) est un peu monolithique, parfois déconcertant et totalement épuisant. Mais aussi, il est riche en sensations fortes, à commencer par son tout premier morceau.

Jouant du contraste entre les sons squelettiques et sautillants des couplets et le synthé roboratif du refrain, "Oliver Square" se veut une visite guidée de la ville d’Edmonton. Et c'est une tuerie. De même qu’un "30 Seconds" construit sur le même mode, les scratches en plus. De même, encore, que l’inquiétant mais efficace sample de mandoline de "Grim Fandango", que l’orgue menaçant "Holy Smoke", que le violon puis la trompette de "Turning on Your Sign" ou que le synthé bulldozer et les sons très Kraftwerk de "Fathom".

Cadence Weapon dépasse les chapelles avec ses sons électroniques triturés pour fans d’IDM. Mais il a le charisme d'un "vrai" rappeur. Il est direct. Il n'y va pas avec le dos de la cuillère. Si sa musique est moderne, elle a aussi des saveurs old school ("Sharks") et rétro (les sons de vieille console de jeu de "Vicarious"). Et s'il ne ne renonce pas aux routines du rap quand il présente sa ville ou qu'il retrace son parcours ("Turning On Your Sign"), ou quand il s'adonne au storytelling ("Julie Will Jump The Broom"), il le fait avec astuce, comme sur ce "Lisa’s Spider" où il s’en prend à certains, Talib Kweli par exemple, mais avec humour et bienveillance.

Alors certes, les plus avertis remarqueront avec scepticisme que Pemberton a contribué autrefois à quelques webzines anglophones faiseurs de hype. Mais une oreille neutre jetée à ce disque atypique démontre qu'il y a un peu plus que du copinage derrière le bon accueil reçu par Breaking Kayfabe.

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