C’est un drôle de concert que Hip Hop Resistance nous a proposé ce 12 avril, avec deux séries d’intervenants sans grand rapport entre eux si ce n'est leur statut de références underground : dans un premier temps, ceux que la soirée a qualifié de "North Carolina’s finest", les très académiques Supastition et Cesar Comanche, renforcés par leur copine canadienne, Eternia ; ensuite, trois purs produits du Project Blowed, les deux rappeurs fous Ellay Khule et Riddlore, accompagnés du Dieu le père de la scène West Coast Underground, Aceyalone lui-même.
Après l’habituel chauffage de salle à coups de classiques hip-hop, c’est Eternia qui entre sur scène sur un sample de "Hotel California". En casquette, chignon, gants noirs et robe camouflage, et un sourire jusqu’aux oreilles, la Canadienne ne manque pas de charisme. Elle livre un show de rap carré normal et l’agrémente d'échanges avec le public. Visiblement, la dame aime compter : la plupart de ses phrases commencent par des "how many…". Elle veut savoir combien il y a d'hommes et de femmes dans le public, et en conclut que "you need to work on your girlfriends". Elle veut savoir aussi combien ici écoutent du hip-hop depuis 5, 10 ou 15 ans. Quand quelqu’un dans la salle proclame "25 years !", elle décide de le faire monter sur scène. Et ce quelqu’un, il se trouve que c’est Sly du Saïan Supa Crew. Après un petit passage où il doit ponctuer le rap d’Eternia par des "The Bitches" à la Jeru the Damaja, le bonhomme l’accompagne avec un peu de beatboxing. C’est bon enfant et sympathique comme tout.
Mais après vient Supastition. Et Supastition, sur disque, ça n’est pas bien, mais alors vraiment pas bien du tout. C’est même le paroxysme du rap underground cliché et fossilisé. Grosse inquiétude, donc. Inquiétude renforcée quand le type apparaît avec un t-shirt "parental advisory machin chose" de trou-du-cul et qu’il se lance dans des mouvements vus mille fois ailleurs. Pas de doute, le rappeur sait bouger. Mais t’y crois pas. C’est du trop vu et c’est du trop entendu. C’est du "when I say "Supa", you say "Stition"" et tout ce genre d’âneries. C’est du "hip-hop, hip-hop" toutes les 5 secondes. Ouais, on voit que c’est du hip-hop, merci. Mais bon, le mec il est hip-hop depuis 1843 au moins quand même, il te le dit, et t’as intérêt à être impressionné. Le plus affligeant dans tout ça, c’est que le public entre dans le jeu, qu’il se met au garde-à-vous, qu’il répond aux stimuli connus et simples que lui adresse le rappeur.
Juste après, c’est au tour de Cesar Comanche, un copain aux deux précédents. Et là, on touche le fond. Le type qui fait son entrée avec une sorte de serpillière sur la tête donne à plein dans les poncifs hip-hop, il va encore plus loin que Supastition. Ce qui suit sera épouvantablement éprouvant. Il y aura tout plein de "check this out" ("ouais, moi aussi, je te propose d’aller vérifier ça dehors", me glisse mon voisin). Il y aura tout autant de "machin chose is in the house" ("vas-y, retournes-y toi, dans ta maison"). Il y aura un interminable titre en hommage à l’histoire du hip-hop ("bon sang, dix minutes que ça dure et nous n’en sommes qu’à Main Source, quand va-t-il s’arrêter ?"). Et pendant ce temps l’heure tourne, et pendant ce temps l’attraction principale de la soirée est retardée. Tant et si bien qu'en fin de session, c’est presque avec joie que l’on voit revenir Supastition et Eternia. Parce que vraiment, il était trop saoulant le César chez les Indiens. Et parce que le coup du posse cut final, ça signifie que tout cela s’achève bientôt.
Un préalable avant d’aborder la suite : les types d’Afterlife n’ont jamais sorti de bon album. A chaque fois, ce sont des raps de folie mais sur des sons infâmes, avec un ou deux tubes dessus en tout et pour tout. Même le renfort de Nobody et d’Omid sur le récent Califormula, ce qu’Ellay Khule a sorti de plus présentable à ce jour, n’a pas suffi à en faire un bon disque. Mais un rappeur virtuose issu du Project Blowed, sur scène, ça le fait. Celui qui se fait également appeler Rifleman n’a disposé que de quinze / vingt minutes pour faire le zouave et interpréter quelques titres issus pour moitié de Califormula, pour moitié du reste de son répertoire. Mais le look (une cagoule et une sorte de sac à patates en guise de gilet), la dégaine, la gestuelle et bien sûr le phrasé de dingue ont largement suffi à fait oublier les épreuves précédentes.
Pendant ce temps, on observe un roulement du public dans la salle, signe qu’il y avait bien deux spectacles en un, ce soir au Nouveau Casino. Les fans ne sont plus les mêmes. Et comme le craignaient Riddlore et Ellay Khule eux-mêmes, d’après l’aveu de DJ Fab (alias Monsieur Hip Hop Resistance), l’audience est à présent assez dégarnie. Où sont donc passés tous les moutons qui levaient le doigt et balançaient les bras quand on le leur demandait ? Ils sont partis. Une fois de plus, preuve est faite que le rap est une cause désespérée en France. A leur décharge, et désolé de faire la grand-mère, il faut reconnaître qu’il est désormais bien tard, puisque c’est à minuit cinq seulement qu’apparaît le monument de la soirée, Aceyalone.
Son show à lui, à première vue, sera moins délirant que celui de son compère cagoulé, tout Project Blowed qu’il soit. Acey commence sagement et montre qu’il est là pour assurer la promotion de son album récent avec RJD2, un Magnificent City à vrai dire assez désastreux. Mais épaulé par Riddlore, il saura puiser dans son répertoire ancien et rappera quelques titres issus de ses premiers albums ou du répertoire de la Freestyle Fellowship, paraît-il. Je dis "paraît-il", car vue l’heure, il n’était plus possible de rester au-delà de deux titres. La prochaine fois, messieurs, pensez à ceux qui habitent loin, faites deux concerts au lieu d’un. Ou bien, si vous pensez vraiment que Supastition et Cesar Comanche ont plus de chances de séduire le public français, mettez les autres en première partie. Certains en seront ravis. Et ils pourront assister à l’intégralité du concert autrement qu’en visionnant a posteriori les vidéos ci-après.
Merci à Max de Nocturne pour cette soirée
Merci à Niam de True Duke pour les photos
J'avais hésité à y aller. Je crois que j'ai bien fait de me résigner.
Et je ne comprendrai jamais les "premières parties" qui durent une éternité. Bordel, quand t'as Acelayone en coulisse, t'attend pas que chacun ait fait son petit show pendant trois heures...
Nan mais en fait je crois que dans l'esprit des organisateurs, Supastition et Cesar Comanche étaient vraiment les clous du spectacle.
Faut croire, au vu de ce qui était dit au début du concert. M'enfin, ça n'empêchait pas d'entendre des "PROJECTBLOWED!" venant du public au speech de départ. J'avais même un peu de compassion pour les zouaves de la première partie.
Les "PROJECT BLOWED", c'était Nicobax qui les criait, nan ?
Comme tu y vas avec les North Carolina's finests...
ahahaha j'ai aimé les petits clins d'oeil de l'article...
Eternia, je l'ai trouvée vraiment sympa, agréable et même sexy au final je crois bien. Le moment avec Sly (vraiment pas fait exprès en plus) était bon enfant, décontracté, sympa quoi. J'irai surement pas écouté ce qu'elle fait sur disque hein mais je me suis pas fait chier au moins.
Supastition, il était hyper crispé au début, super aigri de son statut de "je rappe depuis 86 et personne ne me calcule" et puis finalement il s'est un peu détendu. C'était super bateau mais au moins il tenait son show, pas comme Cesar Comanche, quelle plaie.
ouais les "Project Blowed", "C.V.E.", "Whatcha gonna do with that beat?" c'était Lomi et moi en bons connards que nous sommes.
Acey sur scène, il est au boulot. C'est bien fait mais ça laisse peu de place à la spontanéité j'ai trouvé. En plus, on était en fin de tournée, Ridd (de CVE au passage Sylv, pas de Hip Hop Kclan) et lui étaient vraiment KO. Et le public clairsemé a pas du aider d'autant plus qu'Acey a vraiment la grosse tête, de l'aveux de certains de ses camarades du Blowed, de l'impression que j'ai eu en lui parlant, impression confirmée par DJ Fab (il lui a fait un caprice de star pour passer le dernier).
Khule sur scène, c'est juste monstrueux... Enormément d'énergie, de charisme, de provocation du public, il aime la scène et ça se sent. Le tracklisting de son set : un morceau inconnu, "Way Out Something", "Fading Rhythms", "Needle Skipping", "Kclantastik", "Sounds Like" et un freestyle accapella pour finir.
Acey, faudrait que j'épluche ça comme il faut... Mais y a eu un peu de "All Balls Don't Bounce", un peu de "A Book Of Human Language", "Accepted Eclectic" et bien sur du dernier. Quand Ridd rappait, c'était souvent des titres de "Good Brothers" ("Hey Ladies" en duo et "When You See Me" en solo).
C'était bien son show au Faceman mais je sais pas, j'étais tellement sous la gifle d'Ellay que je me souviens pas de grand chose. Trop propre. Mais bon, c'était mortel de voir tout ça.
"Ridd (de CVE au passage Sylv, pas de Hip Hop Kclan)"
Ah mince... Manu style sur le coup...
"Comme tu y vas avec les North Carolina's finests..."
Attends. Ne me dis pas que tu trouves le moindre intérêt à Supastition.
T y va un peu fort avec Supa , certes c est pas une bête de scene , il reprend la classique gestuelle du hip hop fos silisé ect... mais de là à dire qu 'il n ' aucun talent n 'exagerons pas ! Eternia dans le genre " cliché fossilisé" etait pas mal non plus
Oh?? Mais Supastition a tout tué ce soir là.. Quant à ses disques.. Tu dois rien comprendre à ce qu'il dit.. Je me trompe ?