Une chose est sûre : les Shapeshifters ont changé. D'accord, c'est dans l'ordre des choses, c'est même écrit dans leur nom. Mais cette fois, ils ont vraiment changé. Autrefois, un disque des Shapeshifters, c'était un interminable freestyle sur les aliens, Moïse et les pyramides clamé successivement par trente MCs sur une poignée de beats à la limite du n'importe quoi. C'était insupportable pour beaucoup de gens, génial pour quelques autres et totalement invisible pour l'immense majorité. Mais maintenant, c'est un peu plus cadré et immédiat, c'est un peu mieux taillé pour les gens normaux. Les morceaux sont de longueur raisonnable, les beats sont colorés et éclectiques, les raps se métissent de world, de reggae, de pop, d'eurodance ou de techno des années 80.
Alors, bien sûr, ça déclenche des débats parmi les fans, chez ceux qui étaient là avant (ou qui veulent le faire croire) et qui voient leur joujou passer en d'autres mains. Les Shapeshifters veulent-ils tirer profit du début de hype autour d'eux ou tout cela n'est-il qu'un cheminement naturel ? Ce nouveau disque est-il pourri ou vaut-il quelque chose ?
La tête froide, et plusieurs mois après sa sortie, osons le dire : cet album contient de bons morceaux. Ce n'est plus la longue galette qu'on se mettait à fond pour jouir, pour embêter les voisins, et pour jouir d'embêter les voisins. Mais il contient de bons morceaux. "Message 4 Yer Planet", "Run the Crowd", "Tabasco", "American Idle" (le titre dance, tiens) sont de ceux-là. Eh oui petit. "We R the Dinosaurs" et son chouette refrain aussi. "You Know You Want It" (celui de vieille techno) encore. On me met ça dans la boîte ringarde où j'ai passé mes seize ans et j'y retourne de ce pas.
Et puis il faut le dire, à bien y regarder, il y a de nombreuses et heureuses constantes. Tout cela reste infiniment délirant. Circus se lance toujours à n'en plus finir dans ses délires conspirationnistes ("la force des conspirateurs, c'est d'avoir laissé croire qu'il existait une théorie conspirationniste", chantonnent les voix féminines de "Pindar"), le rap enroué d'Awol One et celui supersonique de Radioinactive (l'écouter sur "Message 4 Yer Planet") sont les mêmes que toujours et les invités sont là, Pigeon John et Slug pour les plus connus, en lieu et place des Sole et des Buck 65 d'autrefois.
Last but not least, ne privons pas les gens qui vont enfin apprécier les Shapeshifters grâce à ce disque de réaliser que, oui, peut-être, avant aussi c'était bien. Et que, oui, peut-être, ils avaient raison, ces fous, de prétendre que l'interminable et l'indigeste Know Future était un vrai classique du rap.
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