Seule une poignée d’artistes a su tirer profit pour de bon de l'engouement qui s’est emparé de la scène hip-hop d’Halifax autour de l'an 2000. Buck 65, Sixtoo, Josh Martinez sont de ceux-là. Kunga 219 et The Goods aussi, dans une moindre mesure. Mais d’autres sont restés désespérément confidentiels, comme Recyclone. Cette année, cependant, Clothes Horse Records répare cette injustice avec une compilation du Canadien. Corroding The Dead World, en effet, est l’addition de deux anciens albums de Recyclone, Dead World et Corroding The Cellular Engine, en plus de quelques bonus.

RECYCLONE - Corroding The Dead World

Aussi intrigants que dépourvus de potentiel commercial, Dead World (1997) et Corroding The Cellular Engine (1999) ont rempli tous les critères pour devenir culte. Tout d'abord, ils sont sortis en catimini, sur cassette uniquement, et ils n'ont pas voyagé beaucoup plus loin que les campus d’Halifax. Le passé de batteur de Jon Hutt, alias Recyclone, au sein de One Inch Punch, le groupe punk hardcore de Sixtoo, ne l'a pas rendu célèbre, pas plus que ses sorties expérimentales, Smock (1994), Warping Solid Snakes (1995) et Dimentia 5 (1995) chez Ant Records, le label de J. La Pointe.

Ensuite, ces deux cassettes ne sont pas d’un abord facile. A leurs beats froids, austères, a-mélodiques, s’ajoutent les divagations colériques de Recyclone sur le meurtre, les grands anciens, les humains qui se transforment en insectes ou la fin du monde ("how many seconds will elapse before the fucking world will collapse", rappe-t-il, rien de moins), dans le ton d’un certain rap pas rigolo et futuriste en vigueur à l’époque. Seul le dernier titre, un bonus en compagnie de Pip Skid, se montre un minimum accueillant. Et encore...

Transfuge du metal et du hardcore que Sixtoo a convaincu de passer au rap, Recyclone a retenu de ses premières amours leur aspect dur, agressif et asocial. Certains, à propos de tout cela, ont parlé d'une version blanche, middle-class, intello et canadienne de Three 6 Mafia. Pas bête.

Enfin, dernier critère déterminant pour garantir un certaine cote aux deux parties de Corroding The Dead World : l’une comme l’autre sont bonnes, avec tout de même un petit avantage pour les productions de Dead World, signées Sixtoo, plus cliniques, plus affinées, plus ardues que les beats de Corroding The Cellular Engine, assurés quant à eux par Graematter. Cette compilation de Recyclone est au-dessus de Numbers (le troisième album du Canadien, sorti en 2003), et tout près du 50/50 Where it Counts des Sebutones. C'est le même lieu, la même date, le même exercice de style et la même atmosphère. C'est son petit frère en somme.

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