Un homme, seul, livre des raps, les siens, sur ses thèmes de prédilection. Pendant ce temps un DJ (ou plus souvent un producteur, de nos jours) se dévoue totalement à sa cause et lui fournit le complément musical adéquat, quitte à bénéficier ça et là d’espaces qui lui sont propres. C’est la formule de base, celle qui depuis toujours convient au hip-hop, la plus sûre pour enregistrer des disques solides et consistants.
L'an dernier elle a fait merveille avec le The Harvest de Qwel et Maker, meilleure sortie Galapagos4 à ce jour. Dans une moindre mesure, elle réussit cette année au second album de Mestizo, proposé lui aussi par le label de Chicago. Successeur honnête d’un fort estimable Lifelikemovie produit à plusieurs mains, ce nouveau disque a en sus l’avantage d’être plus homogène. Cela grâce au renfort du prometteur Mike Gao, un nouveau venu en provenance de la Côte Ouest.
Constant, mais pas uniforme pour autant, Mike Gao sait tout faire : lente mélopée qui inspire le malaise ("Mr. Enthusiastic"), cathédrales de guitare ("Shattered Glass Girl"), titre à la cool ("Mail Order Bride", "Avena’s Lullaby"), piano qui fout les boules ("Obligatory Heart Failure"), instrumental atmosphérique ("Away Into Serenity") ou morceau soutenu infusé de cuivres jazzy rétro ("Pick Up 52s", "Save It For Yesterday"). Gao se permet même une pincée de drum'n'bass, ce qui pour une fois n'a rien de déplacé. Et pour finir, il place là où il faut les poignées de scratches nécessaires. Cependant, rien de ce qu’il propose ne brille par l'originalité.
Même jugement pour Mestizo. Le rappeur Galapagos4 partage avec ses collègues de label cette prédilection irritante pour le prêchi prêcha, pour l’appel aux consciences, pour les critiques trop convenues de la société américaine, ah qu’elle est trop matérialiste, ah qu’elle manque d’engagement...
Les thèmes des chansons sont rebattus : dénonciation de la guerre en Irak et de ces Américains apathiques qui réélisent George Bush, mauvais rappeurs qui ont failli à leur mission (comme si on leur en avait confié une) ou, de façon bien plus personnelle, relation amoureuse qui part en sucette. Certaines paroles sont même d’une naïveté navrante pour nous autres, les cyniques revenus de tout, comme ce passage de "Obligatory Heart Failure" où Mestizo s’affole : "ahlala, le gars Jésus, il serait super pas content s’il revenait sur Terre".
Mais la musique ne se juge pas comme un traité politique, elle s’évalue à sa capacité à émouvoir. Et sur ce plan, Mestizo et Mike Gao sont capables de belles choses quand ils assemblent leurs talents. Sur le superbe "Mr. Enthusiastic" où, abstraction faite du message casse-bonbon, les montées de ton du rappeur s’inbriquent admirablement à la composition lente concoctée par l’autre. Ou sur le non moins splendide crescendo bien dark de "When The Elephant’s Dance", où le rappeur d’origine philippine nous parle de sa mère.
Ce sont de tels sommets qui devraient inciter Mestizo et Mike Gao à approfondir leur relation, s'ils veulent aboutir à cet album accompli dont Blindfaith est peut-être l'ébauche.
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