L’homme qui se cache derrière le nom de Johnny Hardcore et la pochette repoussante de ce premier album n’est ni un énième sosie de Johnny Halliday, ni un rockeur néo-punk miteux, comme on pourrait le croire. Non, Johnny Hardcore est un rappeur canadien issu de The Verbals, l’un des groupes centraux d’Halifax, de cette fameuse scène hip-hop de Nouvelle-Ecosse que l’on a célébré trop vite avant de s’en désintéresser trop tôt, il y a quelques années.
Que les choses soient claires dès le début. Johnny Hardcore, le disque, n’est pas une franche réussite. La production manque de sel, malgré une poignée de scratches bien sentis. Alors pourquoi en parler, maintenant, trois ans après sa sortie, alors que l’actualité n’est même plus là pour justifier cette chronique en demi-teinte ? Parce que, même à moitié raté, ce premier album montre qu’il y a par ici du talent à revendre. Chez Johnny lui-même, en premier lieu.
Habitué des compétitions, John Young délivre un hip-hop de type battle convaincant. Avec sa grosse voix enjouée, offensive, sarcastique et qui va vite, il sait parler du hip-hop, de l’amour du hip-hop ("My Love Song"), de la haine du hip-hop ("Sarcasm") et des hip-hoppers qui parlent de hip-hop ("Don’t Flatter Yourself"). Il donne aussi dans l’exercice de style, recycle Big Daddy Kane et Biz Markie avec son ami Jay Bizzy ("Rhymin' w/ the Biz") et règle ses comptes avec l’insomnie ("Sleep Deprivation"), imposant en passant de bien mauvais traitements à sa respiration.
L’autre intérêt de l’album, c’est cette réunion de toute la face cachée du hip-hop d’Halifax, tant aux machines qu’au micro. Johnny Hardcore a convié Frank Deluxe, Jay Bizzy, LoFi et Jabba the Cut, ses acolytes des Verbals, et beaucoup d’autres encore, dont les plus connus (chez ceux qui connaissent) sont J. LaPointe, Skratch Bastid, Jesse Dangerously et Thesis Sahib de Bending Mouth. Du beau monde, donc. Enfin, dernier argument, même si la majeure partie de l’album tombe à plat à cause de productions pas forcément enthousiasmantes, des titres se singularisent comme le débonnaire "Don’t Flatter Yourself" co-rappé et produit par Jesse Dangerously, comme "Improvement" et sa charmante petite boucle de hautbois et comme cet "Hardcore March" absolument haletant, seul tube présent ici, mais tube véritable. Au vu de cela, et avec un surcroit de chance, le prochain album de Johnny Hardcore sera le bon.
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