A premier abord, ce Misguided Recordings ne paye pas de mine avec sa pochette moche, son introduction lourdingue, un premier morceau à la mode old school sans grande saveur ("The Cage") et la voix plutôt poussive de son rappeur, un Blanc issu d'une scène obscure (Madison, Wisconsin) et d'un duo rap très anecdotique (The Crest). Mais après, dès la seconde plage, cet album franchit subitement un palier.
Oh, rien de révolutionnaire. Le premier solo du dénommé AD ne fait que gérer sagement l'héritage laissé par vingt années de rap. Il sacrifie à tous les rites d'usage : l'incontournable ode à la fumette ("La La La"), les leçons de vie sur le mode carpe diem ("People Wait their Whole Lives"), l'égo-trip et le style battle ("The Cage"), et en prime notre homme se pâme d'être devenu un MC ("Impossible Dream"). Dominées par des sons de guitare jazz, cette vieille scie, les productions elles-mêmes ne dynamitent ni n'éclatent le genre.
Pourtant, dès "Mind Erase", Misguided Recordings se transfigure. Se succèdent alors le très suave "Mind Erase", le plus haletant "A Light in the Dark", les oppressants "Cheers to the Sunrise" et "The Truth is Lies", les guitares entêtantes de "The Seed" et de "Trying", et surtout, le pesant et vaporeux "La La La", la perle totale et intégrale de l'album. Soit toute une série de morceaux très simples mais étonnamment addictifs, tous tellement attachants qu'on a l'impression, à la fois réconfortante et suspecte, de les avoir toujours connus.
Sans vouloir remettre en cause le rôle d'AD, grande est la tentation d'attribuer les mérites de Misguided Recordings à un autre homme, Myron Maker. La plupart des morceaux cités, les meilleurs, sont produits par ses soins. Qu'il laisse la place à d'autres beatmakers, aux deux tiers du disque, et c'est un hip-hop rasoir qui reprend le dessus, fait de cordes en toc ("Impossible Dream") et de guitares baveuses ("Life"). Au contraire, qu'il reprenne les manettes pour le morceau final ("Dying"), et l'album s'achève par une petite apothéose.
Uni, le duo formé par AD et Myron Maker ne rate qu'un titre, un infâme "Did U" au pathos trop forcé. Pour le reste, le producteur maîtrise au mieux l'art de sublimer les raps de son comparse, avec de petits beats sans prétention apparente, mais rondelets et accrocheurs, pile comme il faut.
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