Los Angeles, San Francisco, Oakland. Autant de villes californiennes connues pour l'activisme et l'abondance de leurs scènes hip-hop souterraines. Mais qu'en est-il de Sacramento, la capitale même de l'Etat américain de loin le mieux doté en dollars, en movie stars, en hispaniques, en gouverneur bodybuildé et en rappeurs hors-pair ? Sacramento, entre autres, a The Cuf (comprenez California Underground Funk ou Country Under Frustration, au choix).
Affilié aux Living Legends, le quintet (Crush, Brother RJ, Pete, N8 the Gr8 et Mad G) est similaire en tout point au groupe de Murs, Eligh et les autres : carrière ancienne (le groupe existe depuis 1993 et certains membres sont actifs depuis les années 80), équipe multiraciale, discographie abondante et compliquée, multiples projets annexes, fonctionnement autarcique, base de fans fidèle et internationale, suractivité scénique, rap classique mais copieux.
Cufiliation et Cuf Daddy sont déjà anciens. Conçus après le succès underground du EP I Love this Game en 1998 et une signature avortée (la pochette de l'album Cuf Baby ne convenait pas), ils sont sortis sur Mr. Pen Ink, un label que The Cuf se sont résolus à fonder eux-mêmes.
Cufiliation, le premier, n'est pas le plus captivant des deux. A première écoute, il n'est que la variante lambda d'un rap battle où les paroles (vive l'underground, le hip-hop c'est ma vie, regarde comme je suis bon au mic) ne sont rien d'autre qu'un prétexte à l'exercice de style, et où les samples puisent inlassablement dans le fonds des musiques black et jazz, ou pas loin. Toutefois, entre deux platitudes et un freestyle, il abrite quelques titres appréciables, les deux versions de "Re-evolution" par exemple, ou bien "Funman" ou surtout l'excellent "Cuf/Legends", recyclé ici en bonus après avoir fait les beaux jours du They Don't Have This de The Grouch.
Sorti l'année d'après, en 2000, Cuf Daddy est dans la même lignée que Cufiliation, mais en mieux, en plus abouti. Cette fois, ce ne sont plus des prémices, ce ne sont plus les indices épars d'une éventuelle qualité que The Cuf propose. C'est une escouade conséquente de petites réussites, parmi lesquelles "Your Name Here", le finale en guitare jazz et les leçons sur la maturité de "It Gets Old", un "I'm Fucked Up" qui d'austère devient catchy à mi-parcours, les parfaits "20 Times A Day" et "Fuc' 98", sans oublier de petites sauteries plus légères comme "Deesco Fun". Même s'il n'est pas non plus exempt de longueurs, Cuf Daddy démontre que The Cuf méritent largement de représenter leur ville sur l'échiquier compliqué du rap californien.