Tu es à la fois rappeur et producteur. Par quoi as-tu commencé ? Quelle est ton histoire ?

Eh bien... comme beaucoup d’autres gosses, j’adorais la collection de disques de mon père. Je connaissais tous les artistes, les intitulés de toutes les chansons.

Le dimanche, je m’amusais à classer sa collection de cassettes. A six ans, je faisais souvent semblant d’être malade pour rester à la maison et écouter des disques. Je mettais ses gros écouteurs sur mes oreilles, je recouvrais ma tête d’une couverture et je chantais ‘Endless Love’ de Lionel Ritchie & Diana Ross... Maintenant que j’y pense, c’est peut-être ça qui m’a rendu tout mou... Enfin bref, je pense que c’est mon amour de la musique qui m’a finalement amené à faire la mienne. J’ai commencé ma propre collection de disques et en 95 je me suis procuré du matériel ... . J’ai commencé à mixer et à scratcher. Je me suis procuré un Akai s900 (je l’utilise toujours aujourd’hui) et un vieil ordinateur Atari pour séquencer mes beats. Je bossais avec un MC du coin, M.Phasis (si quelqu’un est intéressé par nos vieux morceaux il peut toujours se rendre ici). C’était un processus d’apprentissage très excitant. Finalement, ça m’a énervé d’être silencieux/invisible et j’ai commencé à écrire, puis à me produire et à enregistrer, etc...

Ton hip hop peut être considéré comme personnel, grave, sombre et en tous cas très différent de l’imagerie hip hop habituelle. C’est délibéré ou c’est venu naturellement, inconsciemment ?

La musique vraiment puissante et sincère est produite dans l'urgence. Les événement/thèmes dont je traite dans mes chansons sont des choses qui me sont importantes, je me sens obligé de partager ces expériences. J’ai besoin de dire des choses que d’autres ne diront pas, de parler de thèmes que personne ne traite habituellement.

Tu as rencontré de l’incompréhension ou de l’hostilité chez les fans et critiques de hip hop traditionnel ?

Le hip hop est arrivé à un niveau de maturité tel qu’il y a maintenant de la place pour tout le monde. Il n’est pas nécessaire d’aimer tout, nous sommes maintenant capables de respecter le travail des autres. Mais je mentirais si je disais que jamais personne ne m’a descendu sur le net, qu’aucune critique n’a été à côté de la plaque.

Les thèmes de Sour Suite et de Birthday Song (le grossesse de ta copine, la mort, l’alcoolisme...) sont des expériences vécues ou des inventions ?

Tout est basé sur mes expériences ou celles de gens proches. Ecrire sur tous ces thèmes personnels, c’est engager une conversation sur des choses comme l’avortement, le racisme, les histoires familiales, etc... Peut-être qu’un jour tous ces thèmes y passeront.

Tu n’est pas que rappeur et producteur. Tu es aussi patron de label. Clothes Horse, c’est juste un moyen pour toi et pour Epic de sortir votre musique, ou bien as-tu un peu plus d’ambition (nouvelles signatures...) ?

J’essaie progressivement de développer le label dans sa configuration actuelle. Il y a tellement de bons trucs que les gens devraient écouter. J’aimerais faire partie de tout ça. Recyclone est l’une des personnes que tout le monde devrait entendre. On est venu à un arrangement avec Recyclone, nous sortirons son prochain projet. J’ai aussi bossé avec d’autres artistes sur un nouveau projet que je ne veux pas encore dévoiler et nous préparons le prochain album d’Epic. Avec un peu de chance, on a quelques bons trucs en perspective !

On a l’impression que le Canada est à l’avant-garde de cette nouvelle vague de hip hop indépendant. Tu es d’accord ?

Je ne sais pas... A quoi ressemblent les MC’s en Belgique.

Il y a vraiment une scène hip hop dans le Saskatchewan ou en êtes-vous les seuls artistes ?

Saskatoon c’est une anomalie hip hop ! J’ai l’impression que notre isolement géographique et notre faible population ont généré une sort d’attitude do-it-yourself. On a dû tout bâtir avec les moyens du bord : la communauté, la radio, la promotion de nos shows, la sortie de nos mixtapes, etc... Le résultat, c’est que Saskatoon a l’un des publics hip hop les mieux informés du monde. Il y a quelques années, les promoteurs locaux faisaient venir par avion des artistes comme les Mystic Journeymen, Aceyalone, 2Mex ou Awol One pour des concerts d’une seule nuit ! Ridicule ! Nous avons aussi produit quelques bons artistes, comme Factor et son Time Invested (www.offbeatproductions.ca) ou Lightheaded (www.mp3.com/lightheaded). La scène de Regina s’anime aussi (va sur www.saskhiphop.com).

John Smith et Pip Skid ont participé à vos disques. C’est quoi vos connections avec les artistes Peanuts & Corn ?

Nous étions déjà potes du temps de leurs premières sorties. Ce ne sont pas seulement de bons rappeurs et de bons musiciens. Ce sont aussi des gens avec qui il fait bon être potes. On se contacte chaque fois qu’il viennent en ville ou que nous allions nous-mêmes à Winnipeg ou où que ce soit. Ils nous ont beaucoup aidé...

Selon toi, quel a été le déclencheur du hip hop canadien, du moins du hip hop canadien à la Halifax, Winnipeg ou Saskatoon ?

Je ne peux pas m’exprimer au nom de toute les régions du Canada, mais j’ai l’impression que nos expériences sont comparables. On y retrouve des artistes hip hop soucieux de livrer une musique liée à leur expérience, leur culture, leurs valeurs, leur sens de l’humour, etc... On ne s’est pas contenté de régurgiter ce qui reste une musique principalement Américaine. J’ai l’impression qu’on est parvenu à filtré cette musique selon nos propres expériences, à proposer un hip hop frais et personnel. J’ai aussi le sentiment que l’absence d’atmosphère urbaine suffocante (à l’exception de Toronto) a créé une atmosphère plus amicale, plus créative, moins commerciale. N’être jamais signé, et ne même pas avoir l’ambition de l’être libère ta musique en quelque sorte.

J’ai du mal à imaginer que tu n’écoutes que du hip hop. Quelles sont tes principales influences ou références hip hop et au-delà ?

P&C bien sûr. Euh, le Buck de l’époque Vertex, Awol One, Neil Young, Bruce Cockburn, Leonard Cohen, euh...

Et ta playlist actuelle ?

Recyclone. Numbers est un album incroyable. J’écoute l’album de Fog, RJD2, Mr. Lif, les morceaux inédits d’Epic.

Que connais-tu du hip hop français ?

Il y a du hip hop au Québec. Ils ont leur propre industrie du hip hop francophone là-bas. Je dois reconnaître que je ne connaissais rien du hip hop en France, du moins, jusqu'à ce que je visite votre site...

Un message ou une déclaration pour finir l’interview ?

Personne n’a remarqué que Mr. Lif ressemblait à Special Ed (au milieu des 90’s).

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