Certains, dans un passé plus ou moins récent, ont présenté le premier solo de Sole, Bottle of Humans comme un classique underground. Mais c'est aller vite en besogne. Sole, c'est acquis, a gagné sa place dans le monde du hip-hop. En fondant Anticon, il a su rassembler, catalyser, décomplexer une portion atypique mais captivante du rap et rendre le genre consommable aux gens venus d'autres horizons. Mais il y a un hic : il rappe alors qu'il ne devrait pas.

SOLE - Selling Live Water

Le problème de "Bottle of Humans", c'était ce numéro constant de rappeur désespéré et à bout de souffle, ce débit incessant et cette poésie adolescente sans rime, sans rythme, amusicale. Et sur "Selling Live Water", son deuxième album (le troisième si on compte les rééditions de Learning to Walk, voire plus si on ajoute les projets sauvages _uck_rt et MansBestFriend), il nous sert malheureusement la même mélasse. Oscillant entre des observations convenues sur son pays et un "moi-je" exempt des truculences de l'ego-trip, les paroles du rappeur souffrent une fois encore de sa voix enrouée et de son infernal débit d'exalté. Seuls quelques changements de style bienvenus sur "Pawn in the Game", sur le speed "Tokyo" et surtout sur la fin énervée de "Da Baddest Poet" apportent un brin de répit à ce flow de rouleau-compresseur.

Pour le reste, les sons sont bons. Ce n'est pas une surprise. Utilisant à loisir la dream team de beatmakers qui compose son label Anticon, Sole bénéficie de renforts de choix avec Odd Nosdam (Clouddead), Telephone Jim Jesus (des mésestimés Restiform Bodies) et le sensationnel Jel (Themselves), qui livre avec le formidable "Sebago" le beat le plus dérangé de l'album. Sur Selling Live Water, il y a donc largement de quoi prolonger les quelques moments forts qui portaient à eux seuls tout Bottle of Humans (pour mémoire, "Dismantling of Sole's Ego", "Save the Children", "Suicide Song", "Year Ov Da Sexxx $ymbl", "Furthermore"). Sauf quand s'en mêlent les productions pompières d'Alias, souvent impressionnantes à première approche, mais vite périssables au fil des écoutes ("Slow Cold Drops", "Pawn in the Game").

Selling Live Water est tout à fait dans le prolongement de Bottle of Humans. Fort comme lui de ses quelques tueries très rapidement efficaces, il pourrait être qualifié de globalement bon, sans ce problème inévitable et récurrent sur tous les disques de Sole : Sole lui-même.

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