Avec ce nouvel album où se ressent pleinement son passage récent chez une major, Buck 65 semble parti pour une gloire logique et méritée. Pas sûr cependant que tous les fans le suivent sur cette voie.
Warner :: 2003 :: acheter ce disque
Talkin' Honky Blues est un aboutissement. Il est le stade final d'une longue mue, d'une lente évolution qui a vu Buck 65 glisser subrepticement du rap au rock. Il y a quatre ans, quand sortait Vertex, son label s'appelait encore Four Ways to Rock, référence explicite aux quatre disciplines du hip hop et garantie d'orthodoxie rap. Le disque lui-même était imprégné du parfum de 50/50 Where it Counts, le classique des Sebutones, et il était parcouru de scratches. C'était d'ailleurs plus un mix, l'œuvre d'un DJ, qu'une suite de véritables chansons. Mais aujourd'hui, le canadien avoue ne plus s'intéresser qu'à des Sparklehorse ou des Vic Chesnutt, prône à qui veut l'entendre l'ouverture à d'autres genres et ne se penche plus guère (ou si peu) sur les sorties rap actuelles. Et cela s'entend très fortement sur ce nouvel album où les scratches, convenus et attendus, font bien pâle figure face aux guitares, qu'elles soient électriques ou acoustiques, hawaïennes, latines ou jamaïcaines.
Talkin' Honky Blues est un aboutissement, mais il est aussi une rupture. Pour la première fois, Buck 65 se détache du parti-pris très amateur, très solitaire et très do-it-yourself des albums précédents. Il s'est entouré d'une pléiade de "vrais" musiciens et il a passé de longs mois à préparer en studio ce nouvel ajout à sa déjà longue et très riche discographie. Et c'est là, précisément, que le bât blesse. C'est ici, justement, que l'on commence à regretter le Buck 65 lo-fi du passé, quand, avec et dès le tubesque "Wicked & Weird", se dévoilent les chansons calibrées et surproduites de ce nouveau disque, et quand on réalise que Talkin' Honky Blues est précisément ce que Square avait su ne pas être malgré une sortie chez Warner : son premier véritable album pour une major.
Alors, bien sûr, il y a toujours du Buck 65 sur cet album. Il y a toujours cette facilité sidérante à trouver le bon beat, la bonne accroche. Ce n'était d'ailleurs pas la peine d'y passer des mois, Buck le producteur peut s'enfermer une journée avec ses machines et de la matière à sample et revenir le soir même avec une poignée de hits. Les très bons "Tired out" et "Roses & Blue Jays" confirment qu'il n'y a plus aucun doute sur son talent. Mais à entendre le prometteur "463" se terminer par une guitare puis un clavecin ineptes et superflus, à écouter la voix de plus en plus rauque de l'artiste déclamer ses poèmes sur un ton plus que jamais monocorde et scolaire, il y a de quoi regretter de petites merveilles comme "Sleep Apnoea" ou la plage 13 de Man Overboard, où un quasi susurrement et 3 malheureuses notes étirées sur une longue plage suffisaient à atteindre le 7ème ciel.
Le triomphe est promis depuis longtemps à Buck 65, il est naturel, il est évident, il est justifié. Passé irréprochable en solo, appartenance à une scène et à un duo cultes, discographie impressionnante, incroyable aisance musicale, paroles drôles et sensibles, fan club influent, belle gueule, et dorénavant présence sur une major, tout y concourt. Ce Talkin' Honky Blues au beau packaging et taillé sur mesure, bien trop taillé, trop apprêté, trop toiletté, pourrait bien en être le déclencheur. On l'espère, on le lui souhaite. Mais en même temps, en fan un peu nigaud, on s'en plaint, on se lamente déjà de constater que Buck 65 a commencé à nous quitter.
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