C’est la fête. En cette soirée automnale, nos partenaires et amis de POPnews organisent à la Guinguette Pirate une soirée en l’honneur du troisième volet de leur série de compilations POPvolume. Et pour prouver son bon goût, l’association qui préside aux destinées du webzine a invité trois artistes distincts, mais néanmoins tous présents sur son disque : klima, Cathal Coughlan (ex-Microdisney, ex-Fatima Mansions) et Buck 65.
Comme toute bonne soirée, celle-ci commence par une mise en bouche servie par un DJ bien caché (un DJ vieille école, qu’on s’entende bien, quelqu’un qui passe des disques : pas de turntablist virtuose à casquette dans les soirées pop) et constitués de titres avenants, accrocheurs et sautillants, beaucoup plus trans-genres que certains auraient pu le croire. Pour couronner le tout et pour parfaire l’accueil, chaque spectateur peut acheter s’il le souhaite les deux derniers exemplaires de POPvolume et se voit distribuer un petit badge charmant sur lequel la lumière tamisée du bateau nous permet de déchiffrer la formule suivante : "I am a POPmodel".
Le décor est planté. Ce soir, nous serons tous des pop models. Et pour commencer, nous écouterons klima. Bénéficiaire en retour de la notoriété de Ginger Ale, la jeune femme annonce par quelques mots son concert, l’introduit par son titre qui figure sur POPvolume#3 et rassemble un premier cercle d’auditeurs attentifs. Attentif, il fallait mieux l’être, tout au long du set (et tout au long des deux suivants aussi), sous peine de n'en percevoir que quelques notes discrètes, des sons de clochettes et la jolie voix de la demoiselle. Attentifs, en vrais faux rappeurs contents de se retrouver et manifestement plein de choses à partager, nous ne l’avons sans doute pas assez été au court de ce concert, au point de ne recevoir la musique que de loin, de façon subreptice, inconsciente. Honte sur nous.
Changement de registre avec l’artiste suivant. L’homme qui apparaît, les cheveux clairs et le visage dur, dégage déjà un autre charisme. Et pas seulement à cause de son passé, des quelques chansons de son ancien répertoire et d'une poignée de spectateurs qu'on imagine sans mal anciens fans. Cathal Coughlan, pourtant, ne hausse pas le son. Assis, chantant et jouant du piano sans accompagnement, il faut s'approcher ou se jucher sur un banc pour pouvoir l'apercevoir. Et il fallait l'apercevoir, sous peine de perdre une bonne moitié du spectacle. Il fallait scruter cette face fermée se crisper soudainement un peu plus, pour mieux accompagner telle phrase, tel mot. Il fallait suprendre ce regard tantôt fixe, tantôt perdu, naviguer du piano aux spectateurs, pour mieux apprécier une prestation qui, à la base, se prêtait sans doute difficilement aux lieux.
Naturellement, ce genre de registre suscite ses propres excès, ses propres clichés. Si Cathal Coughlan n'a lui-même rien à se reprocher, on en voudra à quelques vieux fans transis et à leur gravité excessive, on leur en voudra pour ces regards excessivement mauvais et hautains, dès qu'il était question d'échanger deux-trois mots entre nous. Encore des gens qui ont confondu salle de concert et lieu de culte. Pour cette fois, honte sur eux.
Après un ou deux rappels, Cathal Coughlan laisse la place à Buck 65. Et le moins qu'on puisse dire, c'est que le changement se perçoit. Si le but de la soirée était de faire naître une nouvelle race d'auditeurs capables de balader leurs oreilles d'un genre à l'autre avec le plus grand naturel, c'est raté. Le passage de témoin entre les deux artistes est l'occasion d'un immense roulement, d'un renouvellement quasiment total de tous les spectateurs, toute une masse de gens qui rongeaient depuis quelques temps leur frein se rapprochant massivement. Manifestement, il y avait deux soirées en une ce samedi soir.
Quelques temps avant son concert, Buck 65 nous avait confié qu’il redoutait de passer le dernier, qu'il craignait que son one-man show hip hop atypique fasse retomber l’ambiance d'une soirée qu'il imaginait plus rock. La musique calme et recueillie qui avait suivi l'avait cependant rapidement rassuré. Et pour cause. Après un épisode comique où il réclame un balai, avant de faire un brin de ménage sur la scène, puis d'asperger le public avec un spray remplie d'eau bénite, le rappeur entame son show énergiquement avec une version jungle de "The Centaur".
Cela continue sur le même tempo pendant encore quelques instants, puis Buck reprend son naturel et se remet à faire le pitre. Il tente quelques mots de français (après tout, il vit à Paris depuis quelques semaines), se promène sur la scène, jette de temps en temps un regard à travers le hublot et surtout, prend un temps fou pour raconter 3 histoires abracadabrantes : histoire 1 : j'arrive chez le dentiste avec mes belles bottes pleines de crotte de chien et j'en mets partout ; histoire 2 : un médecin enlève une boule de puls dans mon oreille avec ses dents ; histoire 3 : je me fais transporter par un inquiétant personnage qui sort de prison. Cela dure un moment, certaines personnes en redemandent et ça prend environ un bon tiers de toute la représentation.
Le reste du show se distingue légèrement de celui qu'il avait donné 6 mois plus tôt au Batofar. Nettement moins statique, Buck bouge, passe d'un micro à l'autre, se livre à quelques scratches, histoire de prouver l'artiste complet qu'il est. Les morceaux qu'il joue sont puisés dans l'ensemble de son répertoire, ce qui est l'occasion rêvée de constater une fois de plus que l'ensemble de ses disques sont de qualité très égale. Tout mis bout à bout, cela évoque, pour reprendre un terme juste et astucieux trouvé sur un autre webzine, une sorte de cabaret hip hop.
Et voici tout ce qu'auront pu voir les gens partis à minuit et demi pour choper de toute urgence le dernier métro ou RER. Le départ a beau être précipité, il est accompagné globalement par un sentiment de satisfaction. Principales réussites de la soirée : des concerts de bonne tenue, une ambiance chaleureuse, un public agréable, le tout dans un environnement humain et très vivable. Principal regret : le fan de musique multifonctions capable d’apprécier pop et hip hop à leur juste valeur est encore une espèce rare, sinon à inventer.
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