Dire de Thirstin Howl III (prononcer "feurstine ôle ze feurde") que tous ses albums sont des classiques serait abusé. En tout premier lieu, parce que ce ne sont pas vraiment les siens, le MC ayant gardé de son passé de voleur la fâcheuse habitude de piquer les instrus de rappeurs plus connus que lui. Ensuite, parce que le personnage central des Lo-Life Founders ne s’applique pas vraiment à la tâche, préférant livrer brut de fonderie ses lyrics hilarants sans trop se soucier des conséquences et de la qualité générale. Mais peu importe, fort de ses punchlines, de son rap débordant, de son profil cartoonesque et de son univers comique dominé par les polos Ralph Lauren, Thirstin Howl a transformé chacune de ses sorties mal ficelées en événements et en succès underground.
Portoricain d’origine et fier de l’être, TH3 (aussi connu sous le pseudo de Big Vic Lo), en bon new-yorkais, plonge dans le hip hop dès le début des années 80. Il s’essaie au graffiti et à la breakdance, mais devient surtout l’un des membres principaux d’une bande de gosses de Brooklyn (au côté notamment de Rack-Lo et de Master Fuol) qu’il appelle lui-même les Lo-Lifes et qui vont rapidement se distinguer par le port outrancier de polos, vêtements et autres goodies Ralph Lauren. N'ayant pas forcément les moyens d’acquérir honnêtement ces fringues, ces gamins les obtiennent généralement par une nuée de cambriolages et de rapines, notamment évoqués sur le "John, they’re Stealing" de Skillionaire.
L’attitude et l’accoutrement des Lo-Lifes connaît rapidement un essor phénoménal, se transformant en mode hip hop et permettant finalement à la marque Ralph Lauren de tirer profit de ces vols. La bande s’étend, s’adjoint des affiliés dans tous les coins des Etats-Unis puis du Monde pour devenir un collectif hip hop de l’acabit du Rock Steady Crew. Avec le recul, l’histoire des Lo-Lifes acquière un statut d’épopée glorieuse. Elle fera l’objet d’articles dans les numéros de février 98 et de janvier 99 de Stress Magazine ("The Lo-Life Story") et sera reprise par le plus gros magazine hip hop, The Source, dans ses numéros de septembre, octobre et novembre 2000.
La première carrière de TH3, celle de voleur et de sapeur, lui ouvre les coulisses de MTV. Il y devient assistant de production, touche à tout et y reste de 1994 à 1999. Son statut de comique lui permet rapidement d’intervenir sur la préparation et sur l’animation du Lyricist Lounge Show. Fort d’une notoriété déjà établie, Thirstin Howl se retrouve dans tous les coups. En 1997, il participe aux premières olympiades du rap organisées par la Rap Coalition et par Rap Sheet Magazine, et se retrouve dans la même équipe que JUICE, Wordsworth et Eminem. Il participe aussi à l’émission de radio philadelphienne B-Sides de Bahamadia (une participation évoquée plus tard sur le titre ‘Bahamadia’s B-Sides’).
1997 est une année faste pour un Thirstin Howl transformé en MC : en avril, Stress Magazine lui réserve un article dans sa section sur les indés, et en septembre, il est la "unsigned hype" de The Source. Au même moment s’impose une vague de rappeurs indépendants largement canalisée par Rawkus. Sans jamais être signé par le label new-yorkais, TH3 apparaît sur plusieurs de ses sorties : en 1998, lui et Master Fuol signent un titre du premier volume du Lyricist Lounge, et en 1999, il est invité sur les albums de DJ Spinna (Heavy Beats Vol. 1) et de The High & Mighty (Home Field Advantage). Surtout, lui et sa comparse Unique London signent l’un des titres les plus marquants de Soundbombing II, "Brooklyn Hard Rock". Rawkus sort d’ailleurs ce titre en maxi dans la foulée, avec "Spitboxer" en face B.
Ce single sera la seule sortie de Thirstin Howl sur un label connu. Ses trois albums successifs (Skillionaire, Skillosopher, Serial Skiller) seront tous estampillés Skillionaire Enterprise, sa propre maison de disque. Rien d’étonnant d’ailleurs vu le profil de ces trois sorties interchangeables mais toutes indispensables. Recyclant les instrus d’autres artistes (de Cappadonna à East Flatbush Project en passant par Black Rob), glorifiant son passé de voleur de fringues, clamant sa passion pour Ralph Lauren, mélangeant allègrement l’anglais et l’espagnol ou décrivant un concours avec une lesbienne à qui fera jouir leur copine en premier, ces albums ne peuvent décidément pas sortir autrement qu’en indépendant.
Evidemment, dans ces conditions, et même si deux artistes issus de la scène hip hop indé (le gentil noir conscient Mos Def et le méchant blanc pas poli Eminem) peuvent facilement se retrouver sur l’un de ses albums (Skillosopher), TH3 ne peut espérer devenir aussi notoire qu’eux. Tous cinglés magnifiques, le Lo-Life en chef et ses comparses continueront donc à livrer leurs albums foutraques et jubilatoires et ne dépasseront jamais le statut de gloire underground. Et c'est peut-être tant mieux.
Merci à Unique London de nous avoir communiqué les informations nécessaires à cette biographie.
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