Première constatation en cette belle soirée d'avril, le personnage ne déplace pas les foules. Pour preuve, tous les gens présents à l'ouverture ont des têtes connues, déjà aperçues à l'occasion des quelques soirées hip hop indépendant à s'être déroulées au même endroit. Peu importe après tout, le MC n'en est que plus abordable. Aussi pouvons-nous l'observer tout à loisir au bord de la scène, avant que son set ne commence, en train de se livrer à un inhabituel exercice d'assouplissement, revêtu d'un t-shirt blanc et d'un curieux chapeau surmonté de deux yeux. Quelques temps plus tard, le même se fait aborder par toute une représentation de la Hip Hop Section Crew, le temps d'une dédicace à DJ Proteze : "hi DJ Crotez, it's me !".
Puis vient le temps du concert, gentiment introduit par Neotropic. Laquelle préfère manifestement les sons amples et évocateurs, de véritables compositions en somme, aux boucles insistantes et aux furies de beats et de scratches. La même sert d'accompagnatrice à Dose One quelques instants plus tard, malgré une première rencontre qui ne remonte apparemment qu'à quelques heures. Peu importe, la DJette s'en sort en collant au plus près aux compositions habituelles au MC, lequel va devenir pendant près de trois quarts d'heures le centre de toutes les attentions. Comme pour captiver davantage son auditoire, celui-ci change d'accoutrement, ôtant son chapeau à yeux et revêtant des ailes d'anges, accompagnées autour du cou par un lapin en peluche, le tout sur les sons étranges qui sortent des machines de Neotropic. Pour les novices qui remplissent peu à peu le Batofar il est déjà clair que Dose One n'est pas leur "average MC".
Après une gorgée d’eau et un petit geste amical envers son lapin, Dose One, l’air hagard, commence son spectacle, demandant de sa voix aigre s’il est bel et bien à Paris. Puis, une fois les deux premiers rangs chauffés, embraye sur un exercice stylistique de emceeing à 150 à l’heure. Le ton est donné, le MC va s’amuser de mille pitreries de ce type, jouant de l’humour, du clin d’oeil et de l’absurde, sur des compositions tirées de ses divers albums, le Them, le Circle, ou le récent cLOUDDEAD.
Tantôt il revêt un couvre-chef à la Davy Crocket, tantôt il se déhanche fiévreusement, ou rappe au mégaphone. A un autre moment, il s’essaie à un français hasardeux, pour lancer ensuite dans la foule les puddings du Batofar, qu’il ne trouve pas à son goût. Il tente des blagues, se plaint de l’écran bleu qui est derrière lui, s’essaie au moonwalk. La musique, évidemment, n’est pas en reste niveau bizarreries, et atteint son paroxysme quand Dose se lance en final dans ‘It’s Them’, le morceau de bravoure de Them, malgré un son en retrait.
Le set fini, un débat s'engage rapidement entre la plupart des sectioners d'un côté, conquis, Manu de 90bpm et DJ Fab de l'autre, plus circonspects. Aux yeux de ses détracteurs, Dose One s'est livré à un délire de blanc, à un one-man show, a fait étalage d'une mise en scène et d'une auto-dérision plus proches du rock que du rap. En quoi cet homme peut-il prétendre être un maître de cérémonie, lui qui n'a chauffé personne au-delà des deux premiers rangs, composés exclusivement de ses quelques fans français ? Et certains de prétendre qu'au niveau du bar, on entendait les mouches voler, qu'il fallait murmurer pour commander une bière, sans quoi la voix de Dose One était couverte. Seul point de consensus, au fond, Dose One n'est pas votre rappeur habituel. Après, pour savoir si c'est une bonne ou une mauvaise nouvelle…
Le set de Dose One terminé, les noctambules venus célébrer une soirée Ninja Tune plus convenue peuvent entrer en masse pour célébrer le set de DJ Food, sympathique aux premières notes, mais loin de rendre grâce à ses très réussis albums. La soirée s'achèvera plus tard par le MC britannique Ty, venu confirmer ici la réussite de son récent premier album et sa bonne réputation scénique, déjà éprouvée deux fois au même endroit. Un sacré chauffeur d'ambiance ce Ty, tout surpris de voir du pudding écrasé sur la scène, mais capable de rendre hommage à Dose, en dépit d'une approche hip hop plus traditionnelle et fondamentalement opposée.
Merci à DJ Proteze pour les photos, même si elles sont floues...
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