Autoproduit :: 2001 :: acheter cette mixtape
Je vois la scène d’avance : "quoi, troisième critique de leur nouvelle rubrique mixtapes, et ces guignols de Hip Hop Section chroniquent pour la deuxième fois la tape de l’un de leurs collaborateurs. Et en plus ils lui mettent une note pas possible !". Bien oui, c’est le cas. Parce qu’évidemment, il ne nous est pas bien difficile de les obtenir, ces cassettes. Mais aussi, parce qu’il n’y a rien d’étonnant à se retrouver dans les goûts de nos collaborateurs. Ne nous emballez donc pas, tant que nous ne présentons pas Slurg comme un génial inconnu que nous n’aurions jamais rencontré. Et rassurez-vous par la même occasion : si Talking all that Rap recoupe pour une bonne part les options du webzine, la couleur des morceaux est radicalement différente de celle du 1st Adventure de dEtEcT.
Comme son titre et sa pochette (reprise sur le Porgy & Bess de Miles Davis) l’indiquent, la mixtape retrouve à plusieurs reprises un léger parfum jazz, sans que cela ne domine pour autant. Talking all that Rap, donc. Et pourquoi pas hip hop ? Sans doute pour l’assonance, mais aussi parce qu’à quelques nuances près, les deux termes désignent la même chose. N’en déplaise à Emmanuelle Gaume qu'on entend au début de la cassette prétendre que hip hop et rap ne sont pas la même chose, et que ce qui les différencie, c’est bien évidemment "la basse bien lourde". Chronique de l’ignorance ordinaire... Et comme pour mieux la ridiculiser, Slurg fait débouler quelques notes de "A Love Supreme" derrière. Avant de refermer la boucle avec le "Talking all that Jazz" de Stetsasonic.
Des clins d’œil de ce type, Slurg en parsème sa mixtape. Ce qui fait une excellente matière pour ses enchaînements, tous sans ostentation et sans couture, mais avec quelques curiosités à la clé : entendre Rocé (et ses réminiscences de Jacques Brel) sur Deltron 3030 prouve par exemple qu’il ne manque pas d’efficacité. Evidemment, ces détails ne surprendront aucun des habitués de l’émission que Slurg anime avec Fabe le jeudi soir sur Générations 88.2. Son co-animateur se retrouve d’ailleurs sur la tape, pour un texte qui ne manque pas d’adresse, mais ne me réconcilie pas tout à fait avec lui non plus. A ses côtés aussi, d’autres connaissances de Slurg, T-Love par exemple, sur l’excellent "B-Girl Anthem", inscrit dans une série de remixes tous quatre excellents.
Outre les trouvailles de son auteur, il y a tout pour satisfaire sur Talking all that Rap. D’excellents titres qui plairont à tous ici, comme le "Positive Contact" de Deltron 3030, le "Spot Me" d’Apani B., le "J-Zone for President" de J-Zone, le "Illadvisory" d'All Natural et de Juice, le "Scars & Memories" de MF Grimm, le "Part Six" de Madlib, ou encore le "Wax Paper" de J-Live (à titre personnel, le morceau de lui que je préfère). Du jazz rap, évidemment, avec deux titres des Sound Providers. Du turntablism délirant avec Shortkut, toujours dans un esprit jazz. Et du côté de ce qui fâche, quelques marottes de Slurg comme un Phife Dawg qui ne m’intéresse plus beaucoup, et du rap français tout en gravité avec lequel, décidément, j’ai bien du mal.
Voilà. Talking all that Rap ne propose rien de moins que 90 minutes de bonne musique, cohérente et bien articulée par un fil rouge commun, véritable plongée dans l’univers d’un érudit du hip hop et d’un passionné de longue date. Une cassette évidemment aussi chaudement recommandée que l’autre mixtape déjà évoquée ici.
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