Après quelques singles et un EP (Live from Area 51) d'anthologie, les Masterminds ont finalement sorti un bon album de l'été 2000, The Underground Railroad. Notre curiosité étant naturellement grande face à ce trio (Kimani, Epod et Oracle), capable de sortir un premier album aussi solide et de proposer une irréprochable guests list (Mr. Khaliyl, L-Fudge, Mr. Lif, J-Treds, Shabaam Sahdeeq, Mr. Complex, J-Live, El-P), nous avons cherché à en savoir plus à leur sujet. Nous avons été chanceux : un Kimani prolixe et disponible, secondé par un Epod infiniment plus laconique, a bien voulu nous répondre en un temps record.
J'ai entendu parler des Masterminds pour la première fois grâce à The Ante, produit par Shawn J Periods. Quel était votre passé avant ça ? Quelle est la genèse des Masterminds ?
Kimani : Avant The Ante, nous avons fait I'm Talented..., sur vinyl et aujourd'hui épuisé. J'ai rencontré Oracle à l'Université de Wesleyan dans le Connecticut et nous avons commencé ensemble. Nous avons rencontré Epod à l'époque où sortait The Ante et à l'époque de Live from Area 51, il avait rejoint le groupe.
Comment avez-vous rencontré Shawn J Period ?
Kimani : J'animais une émission de radio à Wesleyan, au printemps 1994. Shawn est descendu avec son groupe, et je l'ai promené dans le campus. J'ai le revu à l'occasion d'autres concerts et événements, quand Mr Man nous a remis en contact, car il venait juste de participer à l'album Gravity.
Que signifie le titre de votre album The Underground Railroad ? C'est une façon de vous positionner comme de vrais artistes indépendants, ou est-ce autre chose (NDLR : nous avons réouvert nos livres d'histoire, et constaté que le underground railroad était en fait un système qui permettait aux esclaves noirs américains de gagner le Nord) ?
Kimani : C'est autre chose. Pour nous, c'est le moyen de sortir de l'underground. Je trouve le terme très limitatif. C'est pareil quand certains disent que De La Soul et A Tribe Called Quest sont "alternatifs", parce que beaucoup de leurs fans sont blancs. C'est la même chose. Nous sommes underground dans la mesure où beaucoup de gens ne nous connaissent pas. Quant à notre son ? Je pense que des tas de gens différents peuvent apprécier ce que l'on fait. C'est pour ça que le underground railroad - la voie (ferrée) souterraine - est pour nous un passage vers la liberté. Il s'agit pour nous de se libérer de l'obscurité, et pour nos auditeurs, c'est un moyen de se libérer l'esprit des merdes qu'on a l'habitude d'écouter tous les jours.
La liste des invités sur votre album est impressionante. Comment avez-vous rencontré et réuni tous ces grands noms de l'underground ?
Kimani : Tout bêtement, tous étaient des gens que nous connaissions et avec lesquels nous étions amis depuis des années. Les réunir s'est résumé à des coups de fil.
Le nom de votre single Seven est le nombre de fameux MC's qui y participent. Vous êtes réellement parvenus à réunir tous ces gens dans le même studio au même moment ?
Kimani : En fait, on l'a fait en deux sessions. C'est virtuellement impossible de trouver une plage commune pour réunir 7 artistes au même endroit.
L'un des meilleurs titres de votre album est "2025", une étrange histoire à propos d'une sorte d'holocauste hip hop. Qui est l'ennemi ? Comment a-t-il détruit le hip-hop ?
Kimani : L'ennemi de l'histoire est fictif. Il s'appelle Dr Ill le diabolique et maléfique scientifique dont l'unique mission est de détruire le hip hop. Il a parqué les artistes en camp de concentration et a liquidé ses leaders. Les autres artistes ont été mis sur une liste noire à la manière des communistes sous McCarthy dans les 50's. C'est un peu ce que tendent à faire les deux candidats à la présidence américaine.
"Day One" est mon titre préféré de l'album, une description très émouvante du racisme dans le Sud des années 1900. Est-ce le témoignage d'une injustice passée, ou considérez-vous que c'est toujours le cas aujourd'hui (comme semblent l'indiquer les vers "The shit don't change, no matter the time, no matter the place, no matter the space, it all stays the same seem") ?
Kimani : Le racisme est et demeure. Les mêmes saloperies qui étaient patentes par le passé sont un peu mieux cachées, mais toujours là. On aurait pu et peut-être dû situer l'action de nos jours. Mais c'était plus simple d'illustrer notre propos de cette façon. Dans la chanson, on raconte la tragédie d'une famille. Mes paroles prennent place trois générations après celles d'Oracle, on n'a l'impression de ne pas pouvoir échapper à notre destin. Je ne sais pas si ça apparait clairement dans le morceau.
C'est quoi le futur pour les Masterminds ? Un single ou une collaboration prochainement ?
Kimani : "Joints 2000" sort le 3 Octobre. "Day One" et "No Test" en Janvier, le plus probablement avec deux inédits. On se prépare à enregistrer le nouvel album dans les deux prochaines semaines. On ne va pas disparaitre, tu vas nous entendre ici ou là avant la sortie du prochain album dont la sortie est on l'espère pour le printemps 2001.
Epod : Le futur pour les Masterminds, c'est la domination mondiale.
L'un d'entre vous prépare-t-il un album solo, ou vous considérez-vous éternellement liés ?
Kimani : Je ne ferai pas d'album solo. Je ne pense pas que ce groupe limite mes moyens d'expression. On a d'autres projets, mais les Masterminds sont notre priorité principale. Je préfère les groupes.
Epod : je prépare un album de breakbeats avec Head le DJ d'Eminem et j'aimerais aussi faire un album de house pour 2001.
Votre album est trouvable en France, du moins à Paris, mais c'est un import (il est donc très cher). On peut espérer que le prochain soit distribué ici ?
Kimani : Je pensais que Groove Attack nous distribuait là-bas. Mais j'en sais peu. Il est très cher ici aussi. Tu peux l'avoir pour moins cher sur notre site www.themasterminds.net.
Certains ont résolu le problème en téléchargeant des MP3 illégaux de votre album. Ca vous alarme ?
Kimani : Ca ne m'alarme pas, je suis au courant. Ca ne me plait pas, parce que ça rend notre boulot plus dur encore. Je n'ai aucun problème avec les MP3's tant que nous autres artistes sommes compensés. On travaille à vendre des MP3's sur notre site, et ça m'intéresse de voir si des gens marchent là-dedans.
Habituellement, je finis mes interviews de rappeurs US par les quatre questions suivantes : 1) Qu'y a-t-il sur votre playlist en ce moment ? Quels albums écoutez-vous ?
Kimani : L'album de Reflection Eternal, Jill Scott, D'Angelo, Common, Slum Village, j'attends les albums d'Outkast, de Mr Lif et d'Erykah Badu. Femi Kuti, Hugh Masakela, voilà ce que j'ai passé non-stop ces dernières semaines.
Epod : Larry Levan's Paradise Garage, Body & Soul VIII, The Underground Railroad des Masterminds.
2) Aura-t-on une chance de voir les Masterminds en concert en Europe et en France les mois prochains ?
Kimani : Je pense que personne plus que nous ne souhaite que cela arrive. On y travaille dès maintenant.
Epod : Espérons que cela arrive.
3) La plupart de nos compatriotes ne comprennent pas les paroles en anglais. Vous pensez qu'ils perdent quelque chose de fondamental à votre musique ? Peuvent-ils apprécier votre musique au même niveau que des anglophones ?
Kimani : Par exemple, "2025", ou "Memories", ou encore "Day One" n'ont pas le même impact si on ne comprend pas les paroles, mais la musique est un langage en soi, et je pense que l'on peut comprendre de quoi ça parle et éprouver des sensations sans comprendre l'anglais.
4) Que connaissez-vous du hip hop français ? Pouvez-vous nommer un MC ou un DJ ?
Kimani : Je ne connais pas grand chose du hip hop français. Je connais MC Solaar, et un groupe que j'ai entendu qui s'écrit avec trois lettres et qui sont censés être les plus gros (NDLR : IAM ? NTM ? TTC ? Première option, sans doute...). Mais je ne suis pas un spécialiste, je dois dire...
Un message ou une déclaration pour finir cette interview ?
Epod : Stay famous.
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