La musique des Creators est ouvragée avec amour, elle est sans tâche, constante, solide. Aucun morceau ne prête le flanc à la critique. Incontestable réussite, il est toutefois à parier que The Weight ne sera rien d'autre, avec du recul, que le meilleur album d'un groupe mineur.
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L'essor du hip hop indépendant, ces dernières années, et l'ouverture des esprits qui l'a accompagné, ont quelque peu levé le boycott longtemps maintenu par le rap américain à l'encontre de son homologue britannique. Si, à quelques exceptions près, l'Angleterre manque toujours cruellement de MC's de valeur, quelques rappeurs US ont fini par s'apercevoir, tout de même, que le pays recelait de producteurs talentueux.
Les principaux bénéficiaires de ce début de reconaissance sont jusqu'ici le duo The Creators. Une collaboration avec Lord Finesse, puis avec les Natural Elements et Black Star sur "Another World" ont en effet largement promu les deux compères (Simon Gilbert et Julian Baker) auprès de la nouvelle génération hip hop, et c'est fier de multiples collaborations avec Mos Def, Talib Kweli, Dilated Peoples, Lootpack, Mike Zoot, El da Sensei, Shawn J. Period, Mighty Mi, Consequence et d'autres noms prestigieux qu'ils livrent leur premier album : The Weight.
L'album démontre que les Creators, pour sûr, maîtrisent leur sujet. Les deux producteurs savent toujours habiller la voix de leurs collaborateurs de sonorités à leur mesure. Une fois passée une intro, "The Mission" réservée au turntablist Mr. Thing, démonstration est faite avec les cloches de "The Music", où El da Sensei (le cousin de Redman, pour info) livre une brillante leçon de emceeing. Ce titre n'est que le premier d'autres petites perles, comme le "Konkrite" de Phil da Agony et son inquiétant clavecin, le piano du "W.A.R." des anglais Tribel et son curieux final façon partie de flipper, le "Street Connexions" de Out da Ville (d'autres anglais), la rythmique étrange de "The Legacy", le single The Hard Margin avec Black Star, le "The Cypher" de Lootpack qui, sans être produit par Mad Lib, produit quand même son petit effet.
Chacune de ces réussites prouve que les Creators ont les trois qualités qui font les bons producteurs : la concision, l'amour du détail, et le goût des ruptures (patent sur "Street Connexions"). Pourtant, il manque quelque chose, tout du moins sur certains titres... Comme si, finalement, bien que personnel et reconnaissable, le son du duo était trop carré, trop adulte, trop académique. L'ennui, en effet, pointe. Sur le "Heart Pound" des Dilated Peoples, pour commencer, puis sur la plupart des titres qui n'ont pas déjà été mentionnés. Un ennui poli, modéré, dans lequel on s'oublie et se complait très facilement. Presque une routine en fait.
Réflexion et écoutes faites, le succès de The Creators auprès de la frange la plus conservatrice du rap indépendant US n'a rien d'étonnant : ces deux derniers, qui refusent d'être catalogués hip hop anglais, restent conventionnels, comparés au grain de folie qui caractérise bien d'autres producteurs britanniques, lesquels ont souvent fait leurs armes avec les musiques électroniques. Cette grande maîtrise a un atout : la musique des Creators est ouvragée avec amour, et sans tâche, constante, solide. Aucun morceau ne prête facilement le flanc à la critique. Incontestable réussite, il est toutefois à parier que The Weight ne sera rien d'autre, dans la postérité, que le meilleur album d'un groupe mineur.
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